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Le Digital, moteur de la résilience économique et sociale

Exportations hors hydrocarbures: un défi à 13 milliards de dollars

La résilience d’une économie ou d’une zone économique est sa capacité à surmonter rapidement des chocs et perturbations économiques. Le concept de résilience est également souvent employé dans le monde anglo-saxon pour désigner la capacité de l’économie à résister au double choc du changement climatique et du pic pétrolier. Rob Hopkins a développé des réflexions et des programmes d’action basés sur cette notion, en mettant en œuvre des initiatives dans la permaculture et les villes en transition.

La définition canonique de la résilience est donnée par Xavier Comtesse et Mathias Baitan dans un article du Havard Business Review. Ils écrivent que Résilience = Résistance + Reset + Relance. La résilience est alors comprise comme l’ensemble du continuum de la crise et de la période post-crise1. En règle générale, la résilience économique est la capacité de l’économie à résister aux chocs. Cela implique que les agents économiques doivent prévoir le danger avant d’en être affecté afin de se préparer. La résilience réside dans la capacité de l’économie à endurer un choc négatif et à rebondir après cela.

Dans le cadre de la guerre économique, la résilience est la capacité d’un pays ou d’une entreprise attaquée par un parti tiers à se restaurer à son état initial et à se réarmer après l’attaque.

La résilience est souvent exprimée dans la capacité d’une économie nationale à limiter la destruction d’emplois (et donc la montée du chômage) en période de crise et après la crise, ainsi que sa capacité à recréer des emplois rapidement après la récession.

Selon Jean-François Jaudon, la lutte contre la corruption et la transparence tendent à augmenter la résilience économique d’un pays. Il considère ainsi que l’augmentation de la résilience d’un pays a des effets de contamination positive sur les autres pays.

Depuis une trentaine d’années, les économies des pays de l’OCDE ont du faire face à de nombreux évènements, chocs pétroliers, crises financières. Face à ces chocs macroéconomiques, les économies manifestent des capacités de réaction différentes à la fois à court terme et pour revenir sur leur sentier de production potentielle. Le concept de «résilience» permet de qualifier cette capacité de réaction. La résistance des matériaux aux chocs ou à la pression a été étendue par analogie à l’économie pour décrire sa capacité à dépasser et à absorber une situation critique. Plus la perte de production associée au choc et à sa résorption est importante, moins l’économie pourra être considérée comme résiliente. L’OCDE a engagé récemment un important travail d’évaluation des différentes formes de résilience. Ses travaux insistent sur le rôle primordial de la flexibilité des marchés ou flexibilité «structurelle» comme facteur d’absorption des chocs. Les simulations réalisées suggèrent qu’en cas de choc négatif, de type hausse du prix du pétrole par exemple, les pertes cumulées de production et d’emploi sont nettement plus faibles dans une économie flexible que dans une économie où les prix et les salaires s’ajustent moins rapidement.

Quel nouveau regard la résilience nous permet-elle de porter sur le fonctionnement d’une économie moderne plus tendue, mais que chacun souhaite plus agile et moins cassante ?

Le digital, moteur de la résilience économique et sociale

L’avènement de la pandémie de Covid-19 a mis à nu la fragilité de beaucoup de branches de l’économie sénégalaise et leur manque de solidité face aux choc externe. Ils sont nombreux les secteurs durement touchés par la crise sanitaire à l’exception du digital qui a fait preuve de résilience.

Du tourisme à la restauration en passant par le secteur des transports, du petit commerce, ils ont presque tous été affectés par les effets de la pandémie. S’il y a un secteur qui a pu tirer son épingle du jeu, c’est bien évidemment celui du digital. Il a fait preuve de résilience. En illustre la poursuite des activités notamment les webinaires, les enseignements à distances dans les universités, les visioconférences… Malgré la persistance de la crise, les acteurs opérant dans le domaine du numérique (startup, entreprises technologiques, télécommunications…) ont tranquillement continué à mener leurs activités.

Au regard du rôle capital qu’ont joué les technologies de l’informations (le télétravail, les webinar…) dans la continuité de certaines activités, le numérique ne doit plus être considéré comme un accessoire mais comme la lame de fonds dans la définition des politiques publiques de développement. La promotion de l’économie numérique dans les plans de relance est d’autant plus importante que la Banque africaine de développement en fait un sacerdoce. En marge de l’ouverture des Assemblées Annuelles 2020 de la BAD, le 26 août 2020, Madame Nialé KABA Ministre du Plan et du Développement, Présidente du Conseil des Gouverneurs de la BAD, notait qu’au-delà de ses effets néfastes, la pandémie nous oblige à relever le défi de la digitalisation de nos économies.

A cet égard, il faut, selon elle, pouvoir tirer le meilleur profit de cette digitalisation. Eu égard, à l’intérêt que suscite le recours à cette technologie, elle encourageait la Direction de la Banque à apporter un appui substantiel aux pays africains individuellement et collectivement afin de renforcer l’infrastructure numérique nationale et régionale pour une connectivité plus grande. Au Sénégal, à travers le Plan Sénégal Emergent (PSE), notre pays a fixé un nouveau cap en misant sur la transformation structurelle de son économie pour atteindre une croissance forte, soutenue et durable.

Fort de ce constat, l’Etat a mis en place la Stratégie Sénégal numérique 2016-2025, dans lequel il réitère son engagement de faire du numérique un secteur déterminant dans le développement économique et social du pays. C’est un levier essentiel de démultiplication des gains de productivité et d’accroissement de la compétitivité de tous les secteurs de l’économie, à travers l’offre des biens et des services numériques. Toutefois, le sous-secteur est confronté à plusieurs défis dont celui de l’accès universel à l’internet, même si la crise de la Covid-19 a montré toute l’importance de ce secteur.

Les orientations de l’OCDE organisée au Ghana

Une réunion-débat de haut niveau de l’OCDE − à laquelle ont participé des ministres, des directeurs d’organismes ainsi que des représentants du secteur privé et de la société civile, notamment des universitaires − a été consacrée aux causes premières des vulnérabilités sociales, économiques et environnementales et à l’importance d’accroître la résilience économique pour remédier aux problèmes qui y sont associés. Les participants ont abordé les questions suivantes :
a) Quels sont les facteurs responsables de la vulnérabilité économique accrue au cours des dernières années ?
b) Comment les pays peuvent-ils accroître leur résilience économique face aux chocs pour atteindre les objectifs de développement durable ?
c) Comment les pays en développement peuvent-ils favoriser la prise en compte des questions de genre et réduire les inégalités dans un environnement mondial qui se détériore rapidement ?
d) Quels sont les outils et les instruments dont une économie vulnérable dispose pour réduire les risques de catastrophe ?
e) Quels sont les liens entre le maintien de la paix et de la sécurité et l’accroissement de la résilience ?

1. Les débats, à la fois enrichissants et incitant à la réflexion, ont porté sur des questions directives et opérationnelles cruciales, notamment sur les politiques et stratégies visant à répondre aux besoins des communautés vulnérables, en particulier des femmes, des enfants et des personnes âgées. Les intervenants avaient des points de vue convergents sur les moyens de remédier aux causes de chocs multiples, de faire face à leurs conséquences et de prendre les mesures qui s’imposent pour les atténuer, notamment en développant la résilience économique, les filets de protection sociale et les outils ou instruments y relatifs.

2. Au sujet des causes et des conséquences des vulnérabilités sociales, économiques et environnementales des faibles et des plus vulnérables, les intervenants ont soulevé plusieurs questions essentielles, à savoir : les inégalités de revenus et de chances, y compris le fossé technologique et la fracture numérique entre et dans les pays ; le manque d’accès aux services de base et aux actifs productifs ; le dépouillement et la pauvreté généralisée ; l’inexistence d’emplois décents ; l’absence de voix et de pouvoir dans le processus d’élaboration des décisions politiques ; les inégalités entre les sexes et les résistances à l’émancipation des femmes ; la guerre civile, les conflits et l’instabilité politique − tous ensemble ou isolément − donnant lieu à des risques, des incertitudes et des vulnérabilités inhérentes. En outre, les intervenants ont constaté que les changements climatiques et les catastrophes naturelles ; l’instabilité des marchés internationaux de produits de base et de capitaux ; la dépendance excessive à l’égard des exportations de quelques produits de base ; et l’inefficacité de la gouvernance économique (au niveau national et international) étaient
tout autant responsables de chocs exogènes, d’incertitudes et de vulnérabilités qui touchaient l’économie mondiale et les pays. Par exemple, la récente crise économique et financière avait accru la vulnérabilité des pays en développement aux chocs exogènes. Elle avait aussi illustré le rôle positif que la politique macroéconomique pouvait jouer, à la fois pour faire face à ces chocs et pour créer les conditions d’une croissance économique résiliente, vigoureuse et soutenue. De même, les crises de santé publique ainsi que les sécheresses, les inondations, les cyclones et d’autres catastrophes naturelles qui étaient les conséquences des changements climatiques, étaient également des facteurs qui entravaient toute reprise socioéconomique et accentuaient les risques, les incertitudes et les vulnérabilités. Les risques et les incertitudes influaient aussi sur la capacité des nations et des communautés de renforcer leurs capacités productives, de transformer leur économie et de développer leurs infrastructures matérielles, et avaient des répercussions désastreuses sur les efforts visant à éliminer la pauvreté et à atteindre les objectifs convenus au niveau international tels que les objectifs de développement durable.

3. Concernant les politiques et stratégies communautaires, nationales et mondiales, il était entendu qu’il n’existait pas de cadre ou de modèle unique valable pour tous les pays ou toutes les communautés qui permette de remédier aux vulnérabilités et d’accroître la résilience économique. Néanmoins, les orientations et les mesures générales ci-après pouvaient notamment être adoptées :
a) Répondre à la nécessité de mettre en place de meilleurs pare-feu (filets de protection sociale) pour protéger les groupes les plus vulnérables de la société tels que les femmes et les jeunes ;
b) Appliquer des politiques et des stratégies judicieuses aux fins d’une croissance économique équitable et générale ;
c) Développer les capacités productives et favoriser la transformation structurelle de l’économie par le biais de l’industrialisation, notamment de la diversification de l’économie et de la création de valeur ajoutée ;
d) Concevoir des systèmes et des mécanismes destinés à atténuer le contrecoup des chocs sur les pauvres, qu’ils appartiennent ou non à des communautés, en privilégiant les communautés d’agriculteurs ;
e) Améliorer constamment la productivité agricole, développer en permanence les services ruraux non agricoles et faire face aux incidences des changements climatiques ;
f) Renforcer le rôle du secteur privé dans le développement, en mettant particulièrement l’accent sur les petites et moyennes entreprises ;
g) Créer des emplois décents, en particulier pour les jeunes ;
h) Accroître la cohérence entre les règles et régimes internationaux dans les domaines du commerce, de l’investissement et du financement d’une part, et les politiques et stratégies nationales de l’autre, et renforcer la mobilisation des ressources intérieures.

Egalité des chances

4. En outre, pour remédier aux causes de la vulnérabilité, il était essentiel de lutter contre les inégalités entre les sexes, de donner des chances à tous en s’attaquant aux inégalités de revenus, d’améliorer l’accès au crédit et à d’autres services sociaux tels que la santé, l’assainissement et l’éducation, de développer les infrastructures matérielles et technologiques, ainsi que les institutions. Les institutions nationales et sociales (notamment les administrations publiques, les institutions juridiques et les organismes prestataires de services publics) qui répondaient aux besoins des pauvres, jouaient un rôle tout aussi essentiel dans la réduction de la vulnérabilité économique, environnementale et sociale.

5. D’autres problématiques visant à réduire la vulnérabilité aux chocs économiques devaient intégrer des mesures de lutte contre les catastrophes naturelles, la mauvaise santé, le handicap et la violence sexiste, et étaient essentielles pour mettre en valeur le capital humain et créer des possibilités. Les politiques et stratégies globales visant à réduire les vulnérabilités et à accroître la résilience économique devraient aussi développer les infrastructures et diffuser les connaissances dans les zones pauvres − aussi bien rurales qu’urbaines − afin de remédier à la privation de biens et à la grande misère, notamment au niveau local (communautaire), régional et sous-régional ; jeter les bases politiques et juridiques d’un développement équitable ; mettre en place des administrations publiques qui favorisaient la croissance et l’équité ; et promouvoir l’égalité des sexes.

6. De l’avis général des intervenants, les risques et vulnérabilités n’étaient pas statiques mais dynamiques ; il était donc difficile d’anticiper les résultats ou de quantifier précisément les principaux facteurs. Malgré ces difficultés, les pays n’avaient pas tous la même capacité d’atténuer l’aggravation et la généralisation des répercussions des chocs − économiques, politiques ou environnementaux. Cela dépendait du degré de résilience économique globale, des ressources humaines et des capacités institutionnelles, ainsi que des politiques et stratégies poursuivies pour atteindre ces objectifs. Pour accroître la résilience économique, il fallait mettre en œuvre des politiques et stratégies globales ainsi qu’une panoplie d’approches institutionnelles et participatives, sur lesquelles fonder un développement global et équitable qui autonomisait tous les citoyens et veillait à l’égalité des sexes, réduisait les inégalités de revenus et de chances et aidait à développer les capacités productives à l’intention des pauvres et des secteurs vulnérables de la société. Dans ce contexte, les mesures internationales d’appui telles que l’accès aux marchés ; l’aide
publique au développement ; l’augmentation des flux d’investissement, notamment de l’investissement étranger direct ; ainsi que l’assistance technique et le transfert de technologie, devaient contribuer à l’accroissement de la résilience économique des pays et des communautés des pays en développement.

7. Les intervenants ont encouragé les Gouvernements des pays en développement à concevoir, en partenariat avec le secteur privé et la société civile, des mécanismes, politiques et stratégies qui tenaient compte des vulnérabilités socioéconomiques et environnementales de leurs citoyens. Ces stratégies et politiques devraient englober des réformes internationales visant à promouvoir une croissance économique favorable aux pauvres, à mobiliser les ressources intérieures et à réduire les flux financiers illicites, et devraient renforcer la responsabilité en matière de gouvernance et de gestion économiques.

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