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Mali: Qui télécommande les groupes armés ?

Agitation dans la triple région maghrébo-saharo-sahélienne

 Curieusement, depuis le départ du contingent français de Barkhane, l’escalade terroriste va crescendo. On dirait que c’est dans la logique des choses, puis près de 5000 militaires ont vidé les lieux subitement ; mais une autre logique s’impose, celle de constater que « tout » est fait pour que le Mali donne au monde l’image d’un pays en ruine, ingouvernable sans les Européens. Et cette idée fait son chemin au sein de la société malienne, qui n’hésite pas à pointer un doigt accusateur sur des « parties étrangères ».

Ainsi, et selon Le Monde, dans sa version d’hier,  les massacres perpétrés dans des localités du cercle de Bankass en fin de semaine dernière, ont été imputés à la katiba Macina, du prédicateur peul Amadou Kouffa, affilié à Al-Qaïda.

Plus de 130 civils ont été tués il y a quelques jours dans le centre du Mali lors d’attaques attribuées à des djihadistes affiliés à Al-Qaïda. C’est l’un des pires massacres connus par le pays et le dernier en date d’une série de tueries en cours à travers le Sahel.

Des élus locaux ont rapporté des massacres systématiques perpétrés il y a quelques jours par des hommes en armes à Diallassagou et dans deux localités environnantes du cercle de Bankass, dans le centre du pays, l’un des principaux foyers de la violence qui ensanglante le Sahel depuis des années. « On a perdu des proches, des grands frères, des tontons, du matériel a été détruit, des animaux emportés, des habits, tout », a dit un élu local s’exprimant à Bamako sous le couvert de l’anonymat pour des raisons de sécurité : « Il ne reste rien de Diallassagou, la commune la plus riche du cercle de Bankass… ».

Amadou Kouffa pointé du doigt

Le gouvernement a fait état de 132 morts, qu’il a imputés à la katiba Macina, du prédicateur peul Amadou Kouffa, affilié à Al-Qaïda. Sorti du silence lundi 20 juin dans l’après-midi, alors que les informations alarmantes proliféraient depuis le week-end sur les réseaux sociaux, le gouvernement date les événements de la nuit de samedi à dimanche. D’autres les font remonter à vendredi. Le chef de la junte au pouvoir depuis août 2020, le colonel Assimi Goïta, a décrété trois jours de deuil national. Différents interlocuteurs de l’AFP ont indiqué qu’on continuait de compter les morts.

Nouhoum Togo, président d’un parti ayant son assise à Bankass, principale localité du secteur, parle d’un nombre de victimes encore plus élevé. Il a indiqué à l’AFP que la zone avait été le théâtre d’opérations de l’armée, il y a deux semaines, qui avaient donné lieu à des accrochages avec les djihadistes. Ces derniers seraient revenus à plusieurs dizaines à moto, vendredi selon lui, pour se venger contre les populations, a-t-il dit. « Ils sont arrivés et ont dit aux gens : “vous n’êtes pas des musulmans” en langue peul. Alors ils ont emmené les hommes, une centaine de personnes sont parties avec eux. A deux kilomètres de là, ils ont abattu les gens systématiquement, a-t-il affirmé. Aujourd’hui encore, on a continué de ramasser les corps dans les communes environnantes de Diallassagou. »

L’élu qui déplorait qu’il ne restait rien de Diallassagou s’est plaint que les alertes données par les populations aient été entendues trop tard. « On a tout dit mais les dispositions n’ont pas été prises. Les autorités étaient prévenues à 15 heures, 16 heures, 17 heures, mais ils sont arrivés le lendemain matin à 10 heures », a-t-il dit sans préciser le jour.

Une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire

Depuis l’apparition de la katiba Macina dans le centre du Mali, en 2015, la région est livrée aux exactions djihadistes, aux agissements des milices proclamées d’autodéfense et aux représailles intercommunautaires. Une grande partie de la zone échappe au contrôle de l’Etat central. Le 23 mars 2019, plus de 160 civils peuls avaient été massacrés dans le village d’Ogossagou. Mais c’est tout le Mali qui est plongé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire depuis le déclenchement d’insurrections indépendantiste et djihadiste en 2012 dans le nord. La propagation djihadiste a gagné le centre et les pays voisins, Burkina Faso et Niger.

Les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en août 2020 après des mois de contestation populaire dirigée notamment contre l’incapacité du gouvernement civil à stopper la spirale mortifère ont fait de la restauration de la sécurité leur priorité. Ils se sont détournés des anciens alliés militaires du Mali, à commencer par les Français, et tournés vers les Russes. Ils ont lancé en décembre une grande opération dans le centre.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, écrivait dans un récent rapport remis au Conseil de sécurité qu’avec l’intensification des opérations des soldats maliens soutenus par des éléments étrangers, « les civils ont été exposés à de violentes attaques et à des violations croissantes des droits humains, qui ont fait le plus grand nombre de victimes civiles enregistré à ce jour au Mali ».

Les civils sont soumis aux représailles de djihadistes qui les accusent de pactiser avec l’ennemi. Dans certaines zones, de plus en plus étendues dans le centre, passées sous l’emprise des djihadistes, ces derniers appliquent avec vigueur leur vision sociale. Les civils se retrouvent aussi souvent pris entre deux feux dans les affrontements entre groupes armés rivaux, y compris entre ceux affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique (EI), qui sévit également au Mali et au Sahel.

Le nombre de civils tués dans des attaques attribuées à des groupes extrémistes a quasiment doublé depuis 2020 au Sahel central, affirme une coalition d’ONG ouest-africaines dans un rapport publié jeudi. Un document de l’ONU publié en mars indiquait que près de 600 civils avaient été tués au Mali en 2021 dans des violences imputées principalement aux groupes djihadistes, mais aussi aux milices d’autodéfense et aux forces armées.

I.M./avec Le Monde

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