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Faudrait-il repenser l’AADL et le logement location-vente ?

Boukaraoun Amar: « L’Algérie n’a pas actuellement une pénurie de logements mais un problème de régulation du logement »

« Mis en œuvre depuis plus de 20 ans, le logement location-vente fait-il toujours rêver les algériens ? »

Telle est la question posée par Hocine, Dr en architecture urbaine, Maître de conférences, ex-directeur des études à l’Epau, habilité à diriger des recherches à l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme El Moudjahid Hocine Ait Ahmed, El Harrach, Alger.  

En fait, « la déclaration du 1er novembre 1954 avait déjà à l’époque énoncée l’instauration d’un Etat social, tous les programmes du gouvernement algérien avaient un volet en rapport avec le développement social et particulièrement l’accès à un logement décent. Plusieurs formes et formules ont été expérimentées par les pouvoirs publics, depuis l’indépendance, parmi celles qui ont eu du succès, celle plus récente de la location-vente. Elle a été mise en œuvre à partir de l’année 2001, sur un modèle innovant de financement impliquant les banques, l’Etat et les souscripteurs. Un 2e facteur de son succès est la taille critique des opérations de 1500, 3000, voire 5000 logements qui permettent aux entreprises de réalisation de baisser substantiellement, les coûts de réalisation et de  relativement raccourcir les délais de livraison. 

« Ainsi, des centaines de milliers, voire des millions de logements ont été livrés à des familles contentes de l’effort de l’Etat à améliorer leurs conditions de logements. Or, la société algérienne a bien changé, depuis la fin des années 90 et début des années 2000. La décennie de lutte contre le terrorisme est bien dernière nous et la société d’aujourd’hui a de nouvelles attentes.  C’est maintenant, une société de plus en plus urbanisée, en quête de modes de vie plus qualitatifs est de plus en plus exigeante en matière de logement, d’environnement, de mobilité et d’équipements et services d’accompagnement. Ces dernières années, les nombreuses petites opérations de logements produites par les promoteurs publics et privés, sur un modèle plus ouvert et libéral sont bien plus de succès. Elles démasquent le caractère massif, assez dense et la pauvreté de la composition formelle et de l’organisation spatiale des quartiers AADL.

« Le caractère répétitif des cellules de logement et ses surfaces normalisées en F3 et F4, rends les façades des immeubles assez triste et monotones. Les impératifs de la mise en œuvre en béton armé banché et la rentabilisation des moyens de levage simplifient les organisations des étages courants. Une faible proportion de logements est de type traversant, ainsi la majorité des logements construits ne possède qu’une seule façade, ceci renforce la qualité médiocre du logement location-vente produit. Les logements ayant leurs unique façade au Nord sont énergivores en hiver, d’autres ayant leur unique façade au Sud sont énergivores en été. Rattrapées dans le temps par l’augmentation des coûts de la construction, les entreprises de réalisation ont tendance à faire des économies dans la réalisation des corps d’état secondaire. Ainsi, la réalisation des  revêtements, menuiserie, électricités, plomberie et peintures sont souvent mal exécutés. La main-d’œuvre est non qualifiée, mal payée ou réalisé avec des matériaux de derniers choix. 

« La frustration des souscripteurs est encore exacerbés lorsque leurs désire de mobilité résidentielle entre les sites, voire à l’intérieur du même site ou du même immeuble est rejetée. Pour des raisons de changement dans les conditions de santé, familiales, sociales ou en rapport avec le lieu de travail etc., les souscripteurs arrivent à monter des accords d’échange sérieux de logements, entre souscripteurs. Seulement, ils  sont presque tout le temps  déclinés par l’administration. D’autres essaient d’obtenir des actes définitifs de vente (ou de propriété) qui leur permettraient de quitter ou de changer de quartier. Seulement, sans succès, très peu de souscripteurs ont pu faire aboutir la procédure jusqu’au bout. In fine, des immeubles entiers demeurent inoccupés, leurs acquéreurs préfèrent louer et bénéficier de la proximité des lieux de leurs emplois ou d’études de leurs enfants. Rester dans les quartiers AADL, leurs coûte des frais supplémentaires en transport et à terme des risques de décrochage scolaire pour leurs enfants.

« Sur le plan technique urbanistique et sur le moyens et long terme, le développement et l’aménagement durable du territoire, la production massive de centaine de milliers de logements, dans et autour de grandes villes ne peut être poursuivie. Le territoire algérien, dont le développement s’est réalisé à partir des métropoles côtières d’Alger, Oran et Annaba et accessoirement sur la bande littorale d’une centaine de kilomètres de profondeurs, laisse d’imposantes parties de l’arrière-pays dans le déni. Ce sont des territoires entiers qui sont laissés pour compte, en dehors de toutes perspectives de développement.

La formule de promotion du logement en location-vente est en fait, une formule de logement financée, dans de grandes proportions, par l’Etat. Après plus de 20 années de pratique, un bilan s’impose, avec un réajustement de la formule location-vente en particulier et le logement en général. Ci-dessous quelques pistes :

● Gagner le pari de la qualité architecturale, environnementale et urbaine après avoir emporté celui de la quantité de logements réalisés. 

● Faire réadmettre les missions originelles d’amélioration et de développement du logement au sein de l’Agence, à travers le développement de la recherche, l’innovation et le développement.

● Les défis du pays sont en rapport avec un aménagement équilibré de notre vaste territoires dans ses composantes : hauts plateaux et sud. L’AADL dotée d’une longue expérience dans la réalisation de logements, devrait contribuer à cette effort, à travers :

o Le gel du développement périurbain de nos grandes aires métropolitaines autour d’Alger, Oran, Annaba et Constantine et puis les villes littorales au profit d’opérations de revitalisations et restructuration des tissus anciens ;

o Le développement de nouveaux pôles urbains dans des villes nouvelles, mais intimement liées à des pôles économiques. La portée sociale de la ville ne peut durer dans le temps, sans sa portée économique. L’offre de logements doit s’accompagner d’offre d’emploi et de services;

o Les typologies de logement et groupement de logements devraient être écologiques, résiliente et durable. D’abord, par rapport à la rareté des ressources en eau, en énergie, en alimentation et en biodiversité qui s’annonce. Ensuite, vis-à-vis des risques de diverses natures (naturels, technologiques, géotechnique, climatique, environnementaux et sanitaires) qui vont de plus en plus concerner nos territoires.

« L’EPAU et particulièrement le laboratoire VUDD avait entamé cette opération de bilan à travers ses recherches depuis sa création en 2007. Un 1e colloque international sur « la ville algérienne, 50 ans après Bilan et visions d’avenir » en 2012. L’effort de recherche et de coopération université-secteur socio-économique devrait se renforcer. Au laboratoire VUDD, on est à la disposition du secteur du logement, l’urbanisme et la ville pour toutes formes de coopérations.  

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