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La Grande Mosquée de Paris dénonce une «campagne calomnieuse intolérable»

Alors que les débats sur l’islam et l’identité s’enveniment en France, la Grande Mosquée de Paris, institution emblématique fondée en 1926, fait face à une campagne médiatique virulente. Son recteur, Chems-eddine Hafiz, est directement visé, accusé d’être un rouage dans une supposée tentative de déstabilisation du pays.

Ces attaques, relayées ce week-end sur CNews, s’inscrivent dans un climat tendu, où certains médias et figures publiques n’hésitent pas à pointer du doigt les institutions musulmanes. Sur le plateau de la chaîne, un blogueur peu connu, Chawki Benzehra, a accusé la Grande Mosquée de jouer un rôle trouble. Quelques jours plus tôt, Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, tenait un discours similaire, dénonçant les liens historiques entre l’institution et Alger.

Face à ces propos, la réaction de la Grande Mosquée ne s’est pas fait attendre. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, elle a dénoncé des « accusations diffamatoires » et « intolérables ». Pour Chems-eddine Hafiz, cette campagne s’inscrit dans une stratégie plus large visant à stigmatiser les musulmans de France. « Nous ne pouvons accepter que notre intégrité soit mise en cause de manière aussi outrancière », martèle le recteur, évoquant une instrumentalisation médiatique inquiétante.

La Grande Mosquée de Paris n’est pas une institution comme les autres. Érigée en hommage aux soldats musulmans tombés pour la France pendant la Première Guerre mondiale, elle est depuis près d’un siècle un symbole du dialogue interreligieux et de l’intégration.

Pourtant, son histoire n’a jamais été simple. Ses liens avec l’Algérie, pays qui contribue à son fonctionnement et à son rayonnement, ont souvent été pointés du doigt. Ces relations, pourtant reconnues officiellement par l’État français, sont régulièrement utilisées comme prétexte pour jeter le doute sur sa loyauté.

«Ces attaques, malheureusement, ne sont pas une surprise », glisse, sous le sceau de l’anonymat, un responsable de la Grande Mosquée. « À chaque prise de position contre les discours de haine ou les idées portées par l’extrême droite, nous devenons une cible privilégiée ».

Lors des dernières élections européennes de 2024, la grande mosquée de Paris avait clairement appelé à voter contre les partis promouvant des idéologies discriminatoires. Ce positionnement, perçu par certains comme une incursion dans le champ politique, aurait attisé les critiques et renforcé l’hostilité de certains milieux, selon plusieurs observateurs. Cette polémique remet par ailleurs sur le devant de la scène la question du rôle des médias dans le traitement des sujets liés à l’islam. Alors que les discours polarisants imprègnent de plus en plus le paysage audiovisuel, certains organes de presse s’illustrent par leur propension à amplifier les tensions. Pour de nombreux observateurs, cette dynamique contribue à aggraver les fractures sociétales, bien au-delà des controverses qu’elle alimente.

Pour Fatima Bentoumi, sociologue et spécialiste de la diversité culturelle, « on assiste à une montée des discours stigmatisants, souvent portés par des chaînes qui cherchent à capter une audience en jouant sur les peurs ».

CNews, régulièrement critiquée pour ses positions éditoriales proches de l’extrême droite, est de nouveau dans la tourmente. Ses émissions donnent fréquemment la parole à des figures polémiques, au risque de nourrir des tensions sociales déjà exacerbées. Une enquête de l’Institut Montaigne, publiée l’an dernier, révélait d’ailleurs que 58 % des Français estiment que les médias contribuent à renforcer les préjugés envers les musulmans.

La Grande Mosquée de Paris refuse de se laisser emporter par la polémique, malgré ses attaques. Dans son communiqué, elle a lancé un appel à l’unité et à la cohésion sociale. « Les musulmans de France œuvrent chaque jour pour une société apaisée et harmonieuse », rappelle l’institution.

Chems-eddine Hafiz, connu pour son engagement contre les discours de division, insiste sur l’importance du dialogue et de l’entente. « Il ne faut pas céder à la provocation. Nous continuerons à défendre nos valeurs, sans tomber dans les pièges tendus par ceux qui cherchent à diviser », a-t-il déclaré à ses proches collaborateurs.

 Pour beaucoup, cette affaire pose des questions plus larges sur la place des musulmans en France et sur la manière dont les institutions doivent répondre aux attaques. « Ce n’est pas seulement une affaire religieuse, c’est un enjeu de société », souligne un universitaire.

L’histoire de la Grande Mosquée est celle d’une institution qui, depuis presque un siècle, porte un message de paix et d’ouverture. Mais elle est aussi celle d’une lutte constante pour exister dans un pays où les débats identitaires prennent souvent le pas sur les enjeux réels.

Alors que les tensions continuent de monter, l’appel au calme lancé par la Grande Mosquée pourrait bien être un signal fort. « Il est temps que la France retrouve un équilibre, où chacun puisse contribuer à l’avenir du pays, sans être suspecté en raison de ses croyances ou de ses origines », conclut un proche du recteur.

 En attendant, Chems-eddine Hafiz et son équipe restent sur le pied de guerre, prêts à défendre leur honneur et celui des millions de musulmans qu’ils représentent.

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L'express quotidien du 29/05//2025

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