Par-delà les gestes symboliques et les formules diplomatiques, c’est à une opération de réanimation que s’est livré Jean-Noël Barrot à Alger. Le ministre français des Affaires étrangères, en visite officielle dimanche 6 avril, a été reçu par le président Abdelmadjid Tebboune au palais d’El Mouradia. Une entrevue longue, intense, et placée sous le signe d’un retour au dialogue après huit mois de gel entre les deux capitales.
Au sortir de la rencontre, Barrot évoque un cap nouveau, celui d’un partenariat « d’égal à égal, serein et apaisé », et la fin d’une « période de tension inédite ». En creux, il s’agit de solder les contentieux nés du virage marocain de Paris sur le dossier du Sahara occidental, de l’affaire Boualem Sansal, des crispations migratoires et des accusations françaises liées aux OQTF.
Dans la presse française, la tonalité est globalement mesurée, mais les mots choisis disent une volonté commune de « reprise » et de « relance ». Le Monde titre sobrement : « À Alger, Jean-Noël Barrot plaide l’apaisement après la crise », soulignant la reprise des échanges de renseignement et l’annonce d’un dialogue stratégique sur le Sahel. Les Échos vont plus loin avec : « La France et l’Algérie sur la voie d’une pleine reprise de leur coopération », insistant sur les engagements concrets et les signaux de reprise économique. Le Figaro, plus prudent, met en avant les points de blocage persistants, notamment sur la question des ressortissants expulsés.
À la marge de ces grands quotidiens, BFM TV souligne : « Relations entre l’Algérie et la France : Jean-Noël Barrot veut éviter une tension durable », tandis que France 24 retient que le ministre a « concrétisé » la relance diplomatique par une série de réunions utiles. Mediapart, de son côté, publie un article intitulé : « Le chef de la diplomatie française annonce « une nouvelle phase » entre Paris et Alger », donnant un écho appuyé à cette tentative de normalisation.
Sur le plan sécuritaire, la réactivation des mécanismes de coopération inclut une réunion imminente des hauts responsables des services de renseignement. Côté économique, une chute des échanges estimée à 30 % depuis l’été alerte les deux pays. Une rencontre entre patronats est annoncée pour le 9 mai à Paris, avec un accent mis sur les secteurs clés comme l’agroalimentaire, l’automobile et le transport maritime.
Le dossier migratoire reste sensible. Jean-Noël Barrot a évoqué la tenue prochaine d’une réunion entre préfets français et consuls algériens. Le ministre de la justice, Gérard Darmanin, se rendra également à Alger pour aborder le traitement des OQTF, véritable nœud de discorde depuis des mois.
Enfin, concernant le cas de Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien condamné fin mars à cinq ans de prison pour des propos jugés attentatoires à l’intégrité territoriale de l’Algérie, Jean-Noël Barrot a évoqué la situation avec prudence.
Le ministre français s’est contenté d’un appel discret à un « geste d’humanité », auquel Alger pourrait éventuellement répondre dans un cadre strictement national, sans ingérence. Il ne s’agit pas là encore de réconciliation. Mais d’un effort (diplomatique, stratégique, pragmatique) pour contenir la dégradation et tenter de bâtir, sur les décombres de la défiance, un dialogue de souveraineté réciproque.