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Entretien croisé avec Farouk Belmakhfi, SG de l’UGEL et Nebia Nadia Oubelkacem, membre du REAL

Farouk Belmakhfi : « Hisser le niveau du discours politique »

Nebia Nadia Oubelkacem : « Mener un changement positif par l’innovation »

L’EXPRESS : Nous célébrons aujourd’hui le 69ᵉ anniversaire de la grève des étudiants. Que retenez-vous de cette date ?

Farouk Belmakhfi : Le 19 mai 1956 est une date où les étudiants algériens ont pris une décision historique : suspendre leurs études pour rejoindre le combat de libération. C’était un choix douloureux mais lucide, porté par une conviction forte : sans liberté, il n’y a ni savoir, ni avenir. On ne peut évoquer cette date sans penser au sacrifice de figures comme le Dr Benaouda Benzerdjeb, jeune médecin assassiné à Tlemcen quelques mois plus tôt, en janvier 1956, pour son engagement aux côtés du peuple. Il incarne cette jeunesse instruite qui réunit science, conscience et résistance. Ce qu’il faut retenir du 19 mai est cette capacité de toute une génération à faire de son engagement un acte de foi envers l’Algérie.

Nebia Nadia Oubelkacem : Le 19 mai 1956 est un moment capital qui représente plus qu’un simple événement historique pour tous les étudiants.  La désertion des bancs des études pour rejoindre la guerre de libération, 18 mois après son déclenchement, reflète le summum de la prise de conscience d’une frange de la société qui ne s’était pas, il faut le souligner, avant la grève des étudiants, contentée d’assister en spectateur. Mais leur décision de rejoindre la lutte armée à l’unisson témoigne du courage d’une génération qui croyait dur comme fer que l’élite devait être à l’avant-garde de la lutte nationale. C’est une halte historique, de laquelle, on puise la force pour continuer à assumer pleinement notre rôle au service de l’Algérie avec notre savoir, notre conscience et notre engagement.

Que représente cette date pour la communauté estudiantine ?

F.B : Pour la communauté estudiantine, le 19 mai 1956 est un repère moral et historique. C’est la preuve que les étudiants ne sont pas simplement des apprenants, mais des acteurs de changement. Ce jour-là, nos aînés ont montré que l’intelligence ne vaut que si elle est mise au service d’un idéal plus grand : la liberté et la dignité. C’est une date qui nous oblige encore aujourd’hui à réfléchir à notre rôle dans la société.

NN.O : Un événement qui revêt la plus haute importance. L’étudiant ne se rend pas aux établissements universitaires pour suivre uniquement une formation et obtenir un diplôme, mais il est plutôt un acteur actif au cœur de la prise de décision et porteur de valeurs qui sont en mesure de changer la destinée d’un pays. Cette date anniversaire nous rappelle notre responsabilité historique et nous appelle à préserver l’héritage de la lutte des étudiants martyrs à travers un engagement et une contribution exceptionnels à la construction d’une Algérie forte, unie et prospère.

 D’après des chercheurs et historiens, la grève des étudiants avait apporté un saut qualitatif à la guerre de libération et une grande visibilité à l’international.  Comment les étudiants pourraient aujourd’hui contribuer au renforcement de l’unité nationale, notamment face aux tentatives de déstabilisation ?

F.B : Il est vrai que la grève du 19 mai 1956 a marqué un saut qualitatif dans la guerre de libération nationale. En rejoignant massivement le combat, les étudiants ont donné un visage nouveau à la Révolution : celui d’une jeunesse instruite, engagée, prête à tout sacrifier pour l’Algérie. Un grand nombre de chouhadas, de moudjahidines et de représentants influents de la Révolution étaient d’ailleurs issus de cette grève. Je ne peux m’empêcher de citer des figures comme Mohamed Zeddour, Brahim Kacem, Taleb Abderrahmane, Allaoua Benbatouche, Bachir Bennacer et tant d’autres jeunes étudiants tombés au champ d’honneur, dont le souvenir continue de nous éclairer.

Aujourd’hui, les étudiants peuvent jouer un rôle décisif dans le renforcement de l’unité nationale, en cultivant l’esprit de citoyenneté, en valorisant le vivre-ensemble et en participant activement aux dynamiques de dialogue et de construction collective. Ils ont aussi la responsabilité de hisser le niveau du discours politique étudiant, en s’éloignant des clivages stériles pour porter des idées, des projets, une vision constructive et apaisée.

Par l’engagement dans le savoir, l’innovation, la société civile et aussi dans l’entrepreneuriat — car entreprendre, c’est croire en son pays et en son avenir — les étudiants contribuent à consolider les fondations d’une Algérie forte, solidaire et unie. À l’image de leurs aînés, ils sont appelés à être des bâtisseurs lucides, responsables, et profondément fiers de leur histoire.

NN.O : Aujourd’hui, les étudiants peuvent être en première ligne pour défendre  l’unité nationale en consolidant la conscience politique, en coupant court aux rumeurs et en luttant contre les discours de haine. La communauté estudiantine  pourrait également promouvoir les valeurs de cohésion sociale, de solidarité et du vivre-ensemble. Son implication sociale et sa promotion de la culture du dialogue contribuent inéluctablement au maintien de la stabilité.

Quelles ont été les réalisations marquantes des étudiants après l’indépendance ?

F.B : Sur le plan du militantisme estudiantin, l’élan de l’UGEMA ne s’est pas éteint avec l’indépendance. Il a connu des prolongements. C’est dans cette continuité qu’est née l’Union générale estudiantine libre (UGEL), qui s’est affirmée comme une force de proposition, attachée aux valeurs nationales, à l’unité, à la méritocratie et à la défense des droits des étudiants dans le cadre universitaire et citoyen.

NN.O : Après l’indépendance, les étudiants ont affirmé leur rôle pivot dans l’édification de l’Algérie nouvelle et l’instauration de ses fondements. Ils ont formé les premières élites de l’État et contribué à structurer l’université algérienne, à élargir l’accès au savoir et à porter les grands chantiers éducatifs et scientifiques du pays. Quant aux organisations estudiantines, elles ont porté les revendications des étudiants, défendu leurs droits, accompagné le système universitaire pour asseoir les conditions de réussite.

 Quels sont les grands défis et perspectives pour les étudiants ?

F.B : Aujourd’hui encore, cette fibre d’engagement se traduit par des initiatives dans la société civile, la recherche, ou l’entrepreneuriat. L’étudiant algérien reste porteur d’une mission : celle de construire, d’innover, et de veiller à l’avenir de la nation.

En tant que jeune Algérien, je suis profondément optimiste pour l’avenir de notre pays. Le Président de la République a posé des actes forts qui montrent clairement sa confiance en la jeunesse, notamment en confiant la gestion de grandes entreprises publiques à de jeunes compétences et en créant l’Observatoire national de la société civile. C’est un signal fort : notre génération n’est pas simplement appelée à attendre, mais à agir, à proposer, à construire. L’Algérie a un potentiel immense et je suis convaincu que les étudiants, les jeunes entrepreneurs et tous les acteurs engagés seront au cœur de cette dynamique positive.

NN.O : Nous sommes devant une opportunité historique de taille pour mener un changement positif par l’innovation, l’entrepreneuriat et l’engagement dans de grands projets nationaux. Nous sommes pleinement conscients que l’étape suivante exige davantage d’efforts et d’engagement pour construire une Algérie forte avec les compétences  de sa jeunesse. Nous devons également, nous mettre au diapason des mutations technologiques et scientifiques, relier l’université au marché du travail et améliorer la qualité de l’enseignement.

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L'express quotidien du 12/08//2025

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