Les audiences du procès lié au réseau international de trafic de drogue, connu sous le nom d’« Escobar du désert », se poursuivent au Maroc. Ce réseau est accusé d’avoir inondé plusieurs pays, dont l’Algérie, de grandes quantités de stupéfiants. Lors de la quatrième audience, le nom du ministre marocain de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a été officiellement mentionné dans les échanges au tribunal.
L’affaire a éclaté fin 2023, avec l’arrestation d’El Hadj Ahmed Ben Brahim, surnommé « le Malien », présenté comme le chef du réseau. Il entretenait des relations étroites avec plusieurs responsables marocains de haut niveau. Le scandale implique des personnalités politiques, des officiers de sécurité, des hommes d’affaires, mais aussi des responsables sportifs.
Selon la presse marocaine, la Cour d’appel de Casablanca a examiné, lors de la dernière audience, des enregistrements téléphoniques entre Ben Brahim, détenu à la prison d’El Jadida, et Saïd Naciri, ancien député, ancien cadre du Parti Authenticité et Modernité (PAM) et président du club Wydad de Casablanca. Ces conversations portent notamment sur une demande d’extraction de Ben Brahim vers le Mali, son pays d’origine.
Le président du tribunal a interrogé Saïd Naciri sur une phrase où « le Malien » aurait parlé de son souhait d’être renvoyé dans son pays. Une femme, qui affirme être l’épouse de Ben Brahim, aurait déclaré que le ministre Abdellatif Ouahbi s’engagerait personnellement à organiser cette extradition.
Ce n’est pas la première fois que le nom d’Abdellatif Ouahbi apparaît dans ce dossier. La justice marocaine a été contrainte d’ouvrir l’enquête sous la pression de révélations faites par la presse internationale, qui a mis en lumière le rôle de personnalités influentes du régime dans le trafic international de drogue.
En mars 2024, plusieurs médias avaient déjà cité d’autres noms liés à l’affaire, notamment Saïd Naciri, Mohamed Biaoui et la chanteuse Latifa Raafat. Le nom de Ouahbi, ancien secrétaire général du PAM, avait également été mentionné. Il aurait intenté plusieurs procès contre des blogueurs et militants qui ont cité son nom dans leurs publications.
Les mêmes sources indiquent qu’Ouahbi était le chef politique de Abdennabi Biaoui (frère de Mohamed) et de Saïd Naciri, deux figures importantes du PAM, connues pour leur rôle politique et leurs contributions financières au parti. Ouahbi les aurait aussi conseillés personnellement.
Cette affaire a provoqué un débat politique au Parlement marocain. Ouahbi a été fortement critiqué par l’opposition pour avoir retardé l’adoption d’un projet de loi pénale visant à criminaliser l’enrichissement illégal.
Le procès a aussi révélé, selon les documents examinés, des connexions au sein de l’armée marocaine, notamment à la frontière avec l’Algérie. Des militaires marocains sont accusés d’avoir reçu des pots-de-vin pour permettre la contrebande de plus de 200 tonnes de cannabis vers l’Algérie. Cette opération aurait duré près de vingt ans et aurait bénéficié à Abdennabi Biaoui, ancien parlementaire et homme d’affaires.
D’après plusieurs sources médiatiques, « l’Escobar du désert » aurait été protégé par le régime marocain. Ancien berger, Ben Brahim serait devenu trafiquant de drogue, puis intermédiaire dans le trafic de cocaïne. Il aurait échappé à plusieurs mandats d’arrêt émis par Interpol.
Pour plusieurs observateurs, les procès en cours seraient de façade. La justice marocaine aurait ouvert le dossier suite aux pressions internationales et non dans le cadre d’une réelle volonté de lutte contre le trafic.