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Alger

Retailleau, à visage découvert

Sous couvert de lutte contre l’immigration irrégulière, les autorités françaises multiplient les mesures d’éloignement visant des ressortissants algériens établis de longue date. Assignations à résidence, refus de titres de séjour, expulsions sur fond de contentieux conjugal ou administratif : derrière chaque dossier, une trajectoire brisée, dans un contexte de durcissement politique et de remise en cause de l’accord franco-algérien de 1968.

Les récits de ressortissants algériens résidant en France depuis des années, qui se retrouvent sous le coup de mesures d’expulsion du territoire, montrent qu’il ne s’agit pas de cas isolés, mais bien de la traduction d’une orientation politique impulsée par les autorités françaises sous la houlette du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, visant les ressortissants étrangers non européens, parmi lesquels les Algériens, victimes des tensions politiques persistantes entre les deux pays.

La presse française, notamment régionale, regorge d’histoires relatant les difficultés rencontrées par des étrangers menacés d’expulsion. Il y a quelques jours, un journal français a ainsi publié l’histoire d’un jeune Algérien arrivé en France à l’âge de quatre ans avec sa famille. Au lieu d’obtenir le renouvellement de son titre de séjour, il s’est vu notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et est désormais assigné à résidence, ce qui l’a contraint à perdre son emploi.

Dans un autre cas, un ressortissant algérien est menacé d’expulsion à la suite d’une plainte déposée par son épouse pour violences conjugales. Cette plainte l’a confronté à la rigueur de la législation française en matière de violences domestiques, les autorités estimant qu’une personne condamnée peut représenter un danger pour la société.

Selon Yacine Bouzidi, responsable de l’Association des étudiants et cadres algériens en France, interrogé il y a quelques mois par la chaîne d’information France Info, de nombreux étudiants se plaignent de la lenteur du traitement de leurs demandes de titre de séjour.

Les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur français révèlent une baisse du nombre de premières cartes de séjour délivrées aux ressortissants du Maghreb, avec une diminution de 8,5 % pour les Algériens, sur fond de crise politique entre Alger et Paris. Les Algériens rencontrent par ailleurs de plus en plus de difficultés au niveau des préfectures, selon plusieurs médias.

D’après des témoignages de migrants installés depuis longtemps, les facilités et privilèges dont ils bénéficiaient par le passé sont progressivement supprimés. La suppression du guichet dédié en est un exemple, et leur traitement n’est désormais plus différencié de celui des autres ressortissants non-européens lors des renouvellements de documents, en dépit de l’existence de l’Accord de 1968, aujourd’hui vidé de sa substance.

Une partie des anciens immigrés algériens rejette la responsabilité de cette dégradation sur la nouvelle génération de migrants, notamment les sans-papiers, qu’ils accusent d’avoir perturbé leur quotidien en France par l’implication de certains dans des activités illégales, incitant les autorités françaises à durcir leur politique migratoire.

Appuyées par le Parlement, les autorités françaises ont adopté une série de lois et de circulaires visant à restreindre les droits des étrangers. La dernière en date interdit le mariage aux migrants en situation irrégulière, tandis que la circulaire Retailleau appelle les préfets à renforcer les restrictions en matière de régularisation.

Dans certains cas toutefois, la justice française tranche en faveur des personnes frappées par un refus de séjour ou une mesure d’éloignement. Ce fut le cas d’une étudiante visée par une OQTF au lieu du renouvellement de sa carte, mais dont l’expulsion a été suspendue par la justice. Celle-ci a estimé que la décision préfectorale contrevenait à l’Accord franco-algérien de 1968 ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme, lui permettant ainsi de rester en France jusqu’au jugement final.

L’Accord de 1968 constitue une cible privilégiée du gouvernement français, de la droite et d’une partie des soutiens du président Emmanuel Macron. Le Parlement français prévoit de rouvrir le débat sur son abrogation lors de sa prochaine session, malgré un précédent échec porté par Les Républicains avant l’arrivée de Retailleau à leur tête.

Retailleau ne cache pas son souhait de mettre fin à cet accord. Il a réaffirmé sa position il y a deux semaines en déclarant : « Je suis tout à fait favorable à la suppression de l’Accord de 1968, car il accorde aux Algériens des privilèges qui ne sont plus justifiés ».

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L'express quotidien du 13/08//2025

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