Dans un entretien accordé au média espagnol El Independiente, Abdelaziz Rahabi, ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne et ancien ministre de la Culture, livre une analyse sans détour de la position de l’Algérie face à ses partenaires du Nord.
Il y dénonce une France qui instrumentalise l’Algérie à des fins de politique intérieure, ainsi qu’une Espagne dont la politique saharienne constitue, selon lui, un point de blocage majeur, malgré quelques signes d’ouverture.
« La France a fait de l’Algérie un enjeu de politique intérieure. Ils ne connaissent pas les Algériens », affirme-t-il. Selon lui, les crises avec la France sont récurrentes, notamment à l’approche des échéances électorales.
Il fustige une classe politique française focalisée sur les thèmes de l’immigration et de l’islam, au détriment d’un dialogue réel avec Alger. Il explique que la tension actuelle ne se dissipera pas avant les élections présidentielles françaises, car la rhétorique anti-algérienne est le sujet de prédilection d’une partie de la droite française.
« La France a fait de l’Algérie un enjeu de politique intérieure. Le principal débat actuel porte sur l’islam et l’Algérie. Ils ne connaissent pas les Algériens. Nous avons un accord migratoire. S’ils ne veulent pas le respecter, nous sommes prêts à le rompre. Cela ne nous profite pas. L’intensité de la crise avec la France ne s’atténuera pas avant les élections présidentielles. C’est un discours qui profite à toute la droite », déclare-t-il à ce propos.
Il évoque également un fait récemment révélé par le président Tebboune : le rôle de la France dans l’élaboration du plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental en 2006.
« Ce plan n’était pas marocain au départ, c’était une initiative française », affirme-t-il. « Nous, Algériens, savons bien que c’est la France de Chirac qui a élaboré ce plan. Il n’y a eu aucune implication marocaine. La France a tenté de vendre ce projet à toute l’Europe.
De nombreux diplomates étrangers nous ont dit avoir reçu des instructions de leurs gouvernements pour soutenir le Maroc », explique-t-il, ajoutant que Chirac entretenait une amitié très particulière avec Hassan II et était devenu le tuteur de son fils.
C’était par loyauté. « Dans le cas de Nicolas Sarkozy, son soutien au Maroc était motivé par son intérêt personnel. Sarkozy reste la principale figure du soutien marocain en France, même si la ministre Rachida Dati en est le visage », dit-il encore.
Concernant les relations entre l’Algérie et l’Espagne, Rahabi affirme : « Nous ne sommes plus dans une période de relations glaciales entre l’Espagne et l’Algérie. »
Il fait référence à l’épisode de mars 2022, lorsque le gouvernement de Pedro Sánchez avait opéré un virage inattendu en soutenant le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental.
Cette décision avait immédiatement entraîné des représailles économiques et diplomatiques de la part d’Alger. Cependant, Rahabi réfute la version de Madrid selon laquelle l’Algérie aurait été préalablement informée : « Dans les bureaux algériens, cette affirmation est catégoriquement démentie. »
Aujourd’hui, certains signes suggèrent une reprise du dialogue, comme la réception de l’ambassadeur espagnol à Alger par le président du Sénat ou la rencontre entre le Premier ministre algérien et Pedro Sánchez à Séville. Mais pour Rahabi, cette reprise reste avant tout tactique.
« On ne peut pas complètement fermer les relations », explique-t-il, insistant sur l’importance d’une diplomatie capable de traverser les crises sans rompre. Mais pour lui, cette reprise reste avant tout tactique. « On ne peut pas complètement fermer les relations », explique-t-il, insistant sur l’importance d’une diplomatie capable de traverser l
s crises sans rompre. L’ex-ministre algérien met en évidence les divergences de la politique étrangère de l’Espagne, notamment son soutien à la Palestine, salué en Algérie, qui contraste clairement avec sa position sur le Sahara occidental.
« C’est ainsi que sont les États », dit-il avec réalisme, tout en soulignant que le soutien perçu pour Gaza ne passe pas inaperçu à Alger. « La société algérienne est très attentive à tout ce qui touche à la Palestine.
Et la position de l’Espagne a été saluée comme un immense courage dans sa résistance à l’Amérique. » Critiqué pour sa gestion du dossier saharien, le Parti socialiste (PSOE) au pouvoir amène Abdelaziz Rahabi à renouveler sa confiance envers le Parti populaire (PP), aujourd’hui dans l’opposition.
Il rappelle que les relations les plus constructives entre Alger et Madrid ont eu lieu sous la présidence de José María Aznar, qui, dès 1996, avait ouvert les canaux de la coopération militaire, économique et politique avec l’Algérie.
« Nous avons toujours entretenu d’excellentes relations avec le PP », affirme-t-il. Concernant l’Italie, Rahabi explique que sa relation avec l’Algérie est fondée sur un intérêt mutuel clair : le gaz contre la technologie. Cette approche purement économique contraste fortement avec les postures idéologiques ou politiques de Paris et de Madrid.