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La France cache son passé chimique en Algérie

Christophe Lafaye, historien et coauteur du documentaire « Algérie : section armes spéciales », dénonce l’usage abusif par les autorités françaises des exceptions prévues par la loi de 2008 afin de prolonger le secret sur les archives militaires, sous prétexte de « sécurité nationale ».

Selon lui, cette stratégie vise à empêcher l’accès aux documents relatifs à la guerre chimique menée par la France en Algérie et à soustraire aux regards de l’opinion les preuves de ses crimes coloniaux.

Dans une contribution publiée par The Conversation et relayée par plusieurs médias, Lafaye déplore « une obstruction de l’accès aux archives », qu’il inscrit dans une tendance générale de restriction des libertés publiques en Occident.

Les difficultés rencontrées par les chercheurs travaillant sur l’usage d’armes chimiques en Algérie illustrent, selon lui, les dangers d’un tel verrouillage.

La loi du 15 juillet 2008 instaure la libre communicabilité des archives publiques, mais prévoit des délais prolongés (25 à 100 ans) pour certains documents. Elle a également créé une catégorie d’archives définitivement inaccessibles, notamment celles liées à la conception, la fabrication, l’utilisation et la localisation des armes de destruction massive.

Dès les débats parlementaires, le député André Chassaigne avait mis en garde contre un usage excessif de ces dispositions, craignant que l’État ne freine la recherche historique sur les épisodes les plus sombres de son passé.

Le secrétaire d’État à la Défense de l’époque, Jean-Marie Bockel, avait justifié ces restrictions par le risque de diffusion de « recettes » d’armes chimiques ou biologiques.

Or, comme le souligne Lafaye, les historiens ne s’intéressent pas aux documents techniques mais aux sources historiques. Plus d’une décennie plus tard, constate-t-il, ces restrictions sont détournées de leur objectif initial.

Les craintes exprimées par Chassaigne se sont confirmées : des archives autrefois consultables, concernant la guerre chimique en Algérie, sont désormais classées « incommunicables ».

Entre 2019 et 2021, la fermeture des archives contemporaines du Service historique de la Défense (SHD), à la suite d’instructions du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale, a déclenché une vive controverse. Archivistes et historiens ont finalement obtenu gain de cause devant le Conseil d’État.

Mais, en 2021, une nouvelle loi sur la lutte contre le terrorisme a encore restreint l’accès, autorisant même à classifier des documents non marqués « secret défense ». Résultat : des archives auparavant déclassifiées, comme des comptes rendus d’opérations ou des journaux de marche d’unités « armes spéciales », sont redevenues inaccessibles. Lafaye dénonce une instrumentalisation sécuritaire visant à dissimuler des archives historiques sensibles.

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L'express quotidien du 21/08//2025

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