Sept ans après sa disparition, Djamel Allam reste une figure centrale de la scène artistique algérienne. Auteur, compositeur et interprète, il a marqué la chanson kabyle et moderne par une œuvre foisonnante, ouverte sur le monde et enracinée dans ses origines. Artiste complet, il a aussi exploré le théâtre, le cinéma, la poésie et la peinture, laissant derrière lui un legs célébré par ses pairs et reconnu comme universel.
Le 15 septembre 2018, Djamel Allam s’éteignait à l’âge de 71 ans, emporté par une longue maladie. Sept ans plus tard, son nom reste indissociable d’une époque où la chanson algérienne, notamment d’expression kabyle, a trouvé une nouvelle résonance et une visibilité internationale.
Originaire de Béjaïa, Allam s’impose dès les années 1970 comme une figure singulière, à la fois poète, compositeur, interprète et explorateur de formes artistiques multiples. Son répertoire, qui va de M’aradyoughal (Quand il reviendra) à Djawhara, traverse les générations. Sa musique, portée par une voix douce et nuancée, combine tradition et modernité, et traduit un rapport viscéral à l’Algérie.
Il a chanté les paysages et les montagnes, les villes et leur attrait, mais aussi l’amour, la femme, la joie, les espoirs et les désillusions. Dans ses textes affleurent une quête d’humanisme, un désir de justice, une aspiration à un monde meilleur. Les influences musicales qu’il a brassées sont à l’image de ce projet : chaâbi, rock, gnawi, andalou, jusqu’aux sonorités techno. Les langues également (kabyle, arabe populaire, français) témoignent de cette volonté de dialogue.
Sur scène, anecdotes et traits d’humour ponctuaient ses concerts. Il parlait de lui, taquinait le public, le faisait rire, comme pour l’entraîner progressivement dans un univers qui oscillait entre gravité et légèreté.
Ce goût de la scène ne l’a pas empêché de multiplier les expériences artistiques. Théâtre, cinéma, poésie, peinture, autant de domaines qu’il a investis, au point que Tahar Djaout le décrira un jour comme un « oiseau minéral », formule qui condense à la fois sa quête de liberté et la richesse de son imaginaire. Le chanteur Lounis Aït Menguellet dira pour sa part : « son legs va parler pour lui pour l’éternité ».
Djamel Allam est né le 26 juillet 1947 à Houma Cherchour, dans la haute ville de Béjaïa. Après le primaire, il quitte l’école mais retrouve rapidement une voie au Conservatoire municipal de musique de Béjaïa. Là, sous l’enseignement de Sadek El Bejaoui, il découvre le chaâbi et l’andalou.
En 1969, il quitte l’Algérie pour la France. À Marseille, il travaille comme machiniste dans un théâtre. Ce poste modeste sera pour lui une porte d’entrée. Il y croise des artistes de la chanson et du cinéma français et entre dans un milieu qui va structurer son avenir.
De retour en Algérie au début des années 1970, il anime à la Chaîne III de la radio nationale. Sa première apparition sur scène a lieu en 1972, en première partie d’Arezki et Brigitte Fontaine à la salle El Mouggar d’Alger. Deux ans plus tard, en 1974, il sort son premier album, Arjouth (Laissez-moi raconter). On y trouve M’aradyoughal, qui devient rapidement un succès. Suivent des titres comme Argu (Les rêves du vent), Si Slimane, Salimo, Gibraltar, Samarkand, Gouraya, Le youyou des anges, Ourtsrou (Ne pleure pas), Thiziri (La lune) ou Thella (Elle existe).
L’histoire de Djamel Allam croise à plusieurs reprises celle d’Idir. Tous deux débutent dans les années 1970 et incarnent une génération décidée à moderniser la chanson algérienne. Mais un détail mérite d’être rappelé, la chanson Vava Inouva, devenue le titre phare d’Idir, devait à l’origine être interprétée par Allam.
Idir l’a reconnu : « C’est lui le précurseur. Il m’a poussé à chanter Vava Inouva quand j’étais parti lui proposer de la chanter. Il m’a dit que cette chanson est la tienne, elle te mènera loin, c’est grâce à lui que je suis là ».
Le destin des deux artistes semble dès lors lié. Tous deux « sillonnent » les scènes du monde, portent une modernité musicale enracinée dans la culture kabyle, et contribuent à faire entrer la chanson algérienne dans l’universalité.
Sept ans après sa mort, Djamel Allam demeure une voix singulière. Ses chansons, entre ancrage local et ouverture au monde, continuent de circuler comme un rappel discret de ce que peut un artiste, « rester fidèle à ses racines tout en parlant à l’universel ».