Réunis aujourd’hui à Bruxelles, Algériens et Européens rouvrent le dossier sensible de l’Accord d’association. L’objectif n’est plus de produire un texte symbolique mais d’avancer sur des ajustements concrets concernant l’accès aux marchés, la protection de l’investissement, les normes techniques et la coopération énergétique. Un test décisif pour rétablir la confiance et donner une nouvelle dynamique au partenariat.
La commission parlementaire mixte Algérie-Union européenne (UE) se réunira aujourd’hui à Bruxelles pour reprendre les discussions sur la révision de l’accord d’association.
Ce processus, resté en suspens durant plusieurs années à cause de réunions reportées et de tensions récurrentes, revient désormais à l’ordre du jour avec une volonté partagée de dépasser les blocages et de renouer avec une dynamique constructive. Cela traduit l’intention des deux parties de sortir d’un dialogue figé pour renouer avec des discussions substantielles.
La rencontre survient après une période tendue, marquée par des différends sur le commerce et l’accès aux marchés, mais aussi après plusieurs gestes d’apaisement, l’objectif étant de construire une relation plus équilibrée par Alger et plus lisible pour Bruxelles.
Il ne s’agit pas de «réinventer» l’accord, mais de définir une méthode permettant de hiérarchiser les chapitres à rouvrir, d’organiser les équipes techniques et de fixer un calendrier de résultats tangibles.
Depuis près de vingt ans, l’accord a encadré les échanges. Les produits européens ont bénéficié d’un accès facilité au marché algérien, tandis qu’Alger a toujours estimé que les retombées restaient limitées, notamment dans les secteurs industriel et agricole. D’où sa demande récurrente d’un rééquilibrage précis, ligne tarifaire par ligne tarifaire, en tenant compte des filières, des intrants et de leurs effets sur la production nationale.
L’Union européenne, de son côté, attend des règles stables, une meilleure lisibilité des procédures et une protection fiable de l’investissement. Le tout dans un contexte international marqué par des tensions, où la robustesse des chaînes d’approvisionnement est devenue essentielle.
S’agissant de l’énergie, l’Europe cherche des garanties sur le gaz et mise sur des projets liés à l’hydrogène, aux interconnexions et à l’efficacité énergétique.
Pour sa part, l’Algérie ambitionne de capter davantage de valeur ajoutée grâce à l’intégration locale, aux transferts de compétences et au développement de services industriels comme la maintenance.
Le débat ne porte plus uniquement sur les volumes échangés, mais sur la qualité de l’ancrage économique. Une révision bien calibrée pourrait offrir des perspectives d’investissement plus claires, à condition de concilier incitations et garde-fous afin de générer des retombées concrètes.
Le commerce et l’investissement constituent l’autre grand volet des négociations. Pour Alger, les priorités concernent l’accès au marché européen pour certains segments stratégiques tels que l’agro-industrie, les matériaux et les composants, la réduction des barrières non tarifaires et une meilleure cohérence des normes sanitaires et techniques.
Du côté européen, la demande porte sur la stabilité des régimes d’importation, la prévisibilité des délais et des mécanismes de recours permettant d’éviter l’escalade des contentieux.
En d’autres termes, il ne s’agit pas de produire un grand récit, mais de mettre en place une série d’ajustements concrets et praticables. L’expérience récente a montré la vulnérabilité des mécanismes lorsque les considérations politiques interfèrent avec le commerce.
D’où la nécessité d’outils opérationnels permettant d’activer les instances mixtes prévues par l’accord, de définir un calendrier thématique et d’imposer des délais de réponse.
L’encadrement des clauses de sauvegarde pourrait également prévenir la multiplication des litiges. La dimension technique de ces discussions est déterminante, car elle conditionne la capacité des entreprises à planifier leurs activités.
La rencontre de Bruxelles sera donc évaluée en fonction de sa faculté à générer des avancées concrètes assorties d’échéances proches. Un signal encourageant pourrait résulter de mesures ciblées telles que l’allègement de formalités pour certaines lignes de produits, la reconnaissance mutuelle de certifications pilotes, la facilitation logistique de flux expérimentaux ou encore l’accélération de projets d’investissement déjà prêts.
La reprise du dialogue s’inscrit également dans un contexte international plus large. L’UE redéfinit ses relations avec le sud de la Méditerranée pour sécuriser ses approvisionnements et accompagner les transitions économiques.
De son côté, l’Algérie diversifie ses partenariats, entend préserver sa souveraineté économique et cherche à attirer financements et technologies afin de soutenir sa montée en gamme industrielle et l’emploi. L’enjeu est d’organiser des complémentarités sans recréer une dépendance unilatérale.
À Bruxelles, l’objectif essentiel reste donc de restaurer la confiance dans la mécanique bilatérale. Les acteurs se connaissent, les irritants sont identifiés et les attentes clairement posées. Le véritable test réside désormais dans la capacité à établir un agenda resserré, à hiérarchiser les priorités et à éviter les angles morts qui alimentent la défiance.