Le dossier des biens et actifs confisqués aux anciens responsables et hommes d’affaires impliqués dans des affaires de corruption figure parmi les priorités du Premier ministre Sifi Ghrieb. Ce chantier, à la fois politique et économique, a été érigé en axe central de l’action gouvernementale par le président Abdelmadjid Tebboune, qui y voit un instrument de restitution des richesses détournées à la collectivité nationale.
Depuis près de six ans, ce dossier, ouvert à la suite des grandes enquêtes judiciaires lancées après 2019, peine à être concrétisé. Une part importante des entreprises, usines, terrains et immeubles saisis par décisions de justice est restée en suspens, en raison de procédures complexes et d’un enchevêtrement administratif qui en a retardé la valorisation.
Plusieurs de ces structures sont demeurées sous la gestion provisoire de comités de liquidation, sans perspective claire de réintégration dans le tissu productif. Sifi Ghrieb, nommé Premier ministre après un passage remarqué au ministère de l’Industrie, s’est saisi du dossier dès son entrée en fonction.
Ingénieur de formation et familier des mécanismes de production industrielle, il entend rompre avec la gestion bureaucratique qui a longtemps ralenti le processus de récupération.
L’objectif affiché est de réintroduire ces actifs dans la dynamique économique nationale selon une logique de production, conformément à l’orientation fixée par le président Tebboune : transformer les biens détournés en outils créateurs de richesse et d’emplois.
Le gouvernement prévoit ainsi une réévaluation complète du potentiel économique des entités confisquées, qu’il s’agisse de grandes unités industrielles ou d’entreprises de taille moyenne. La relance des structures jugées viables passera par une réorganisation managériale et un encadrement par des compétences expérimentées.
Les secteurs ciblés incluent l’agroalimentaire, la métallurgie, le transport, la logistique, l’agriculture et les infrastructures. Les difficultés identifiées sont multiples.
Une partie des entreprises concernées a été créée durant la période des dérives économiques, avec des objectifs financiers à court terme, souvent pour bénéficier de crédits publics sans réelle stratégie productive.
Certaines usines n’ont jamais fonctionné, d’autres ont cessé leur activité à la suite de contentieux juridiques ou de blocages fonciers. Le redémarrage de ces unités nécessitera des investissements supplémentaires, ainsi qu’une mise à niveau technique et organisationnelle.
Le défi pour le gouvernement consiste à passer du cadre judiciaire au cadre économique. Cette transition implique la recherche d’investisseurs nationaux ou étrangers capables de reprendre les unités confisquées, ou leur intégration dans les groupes publics existants.
Le Premier ministre a insisté sur la nécessité d’éviter la dispersion des actifs et de mettre fin au gaspillage des ressources immobilisées depuis plusieurs années. Plusieurs sessions du Conseil des participations de l’État (CPE) ont précédé ces orientations.
Elles ont porté sur la clarification du cadre juridique, la valorisation des biens confisqués et la proposition de modes de gestion adaptés. Les bilans rendus publics font état de la récupération de plusieurs dizaines d’entreprises, de complexes industriels et de milliers d’hectares de terres agricoles.
À ces actifs s’ajoutent des immeubles résidentiels, des entrepôts et des espaces commerciaux situés dans différentes régions du pays. Malgré les avancées enregistrées, une partie importante de ces biens reste inexploitée.
Les lenteurs administratives, la complexité des statuts juridiques et le manque de coordination entre institutions ont limité les effets concrets de la récupération. Certaines entreprises, notamment dans l’agroalimentaire et la transformation métallique, continuent d’éprouver des difficultés techniques et financières, compromettant la reprise de leur activité.
Le gouvernement Ghrieb entend accélérer le traitement du dossier à travers une approche coordonnée entre les ministères concernés (Finances, Industrie, Agriculture et Travaux publics) chargés d’établir un état des lieux précis et de proposer des plans de réaffectation. Cette démarche vise à transformer les actifs confisqués en projets productifs inscrits dans la stratégie nationale de réindustrialisation.
La valorisation des biens confisqués constitue également un signal politique, celui d’une gouvernance axée sur la restitution des richesses publiques et sur la traduction concrète de la lutte contre la corruption.
Le Premier ministre devra en assurer la mise en œuvre dans un contexte où les attentes en matière d’efficacité administrative et de résultats tangibles restent élevées.
Dans cette perspective, Sifi Ghrieb a effectué, mardi, une visite de travail et d’inspection dans la wilaya de M’Sila, mandaté par le président de la République. Il y a inauguré une unité de production de béton armé appartenant à l’entreprise publique Fondal, filiale du groupe industriel SNS (Société nationale de sidérurgie).
Cette infrastructure, érigée sur un site de 23,9 hectares récupéré par les services des Domaines dans le cadre de la restitution des biens inexploités, symbolise la mise en œuvre concrète de cette politique.
Le complexe, qui devrait générer plus de 450 emplois directs dans sa première phase et produire jusqu’à 650 000 tonnes d’acier par an, illustre la volonté du gouvernement de faire de la réindustrialisation une traduction tangible de la lutte contre la corruption.