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Le dossier sahraoui révèle une diplomatie à deux vitesses

À l’approche du vote du Conseil de sécurité sur le renouvellement du mandat de la MINURSO, les lignes de fracture se durcissent autour du dossier du Sahara occidental. Tandis que Paris et Abou Dhabi multiplient les démarches pour imposer la « souveraineté marocaine » sur le territoire, le Front Polisario réaffirme son attachement au référendum d’autodétermination, dans un contexte où les équilibres diplomatiques sont de plus en plus biaisés par les puissances occidentales.

À quelques jours de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, prévue à la fin octobre pour statuer sur le renouvellement du mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO), les tractations s’intensifient dans les coulisses de New York. Selon plusieurs sources diplomatiques, la France et les Émirats arabes unis, deux alliés de Rabat, mènent un intense lobbying pour faire adopter une résolution entérinant la « souveraineté marocaine » sur le territoire disputé.

Traditionnellement, le Conseil se limite à prolonger le mandat de la MINURSO, créée en 1991 pour superviser un référendum d’autodétermination jamais organisé.

Cette année, les alliés de Rabat cherchent à infléchir cette routine en introduisant le plan « d’autonomie marocain » de 2007 comme unique base de règlement. Paris a officialisé en juillet 2024 son « alignement » complet sur les thèses marocaines, une position qui rompt avec la prudence traditionnelle de la diplomatie française sur ce dossier.

Quant aux Émirats, leur « soutien » à la monarchie chérifienne s’inscrit dans une alliance politique et économique de longue date. Face à ce front pro-marocain, le Front Polisario a choisi de réagir par une contre-offensive diplomatique. Mardi dernier, il a transmis au secrétaire général de l’ONU une « proposition élargie » reprenant les trois options reconnues par le droit international : l’indépendance, l’intégration au Maroc ou un pacte d’association libre.

« Le Front Polisario fait un pas vers les Marocains, mais discuter de l’autonomie en dehors du cadre d’un référendum n’est pas envisageable », a déclaré à l’AFP Mohamed Yeslem Beissat, ministre sahraoui des Affaires étrangères. Dans ce document, le Polisario se dit prêt à soumettre, dans le cadre du référendum, le plan d’autonomie proposé par Rabat, à condition qu’il figure parmi d’autres choix.

« Il est impératif de présenter aux Sahraouis plusieurs options, y compris l’indépendance ; s’ils choisissent une option, quelle qu’elle soit, nous l’accepterons », a insisté Beissat. « Tout est prêt pour organiser le référendum depuis l’an 2000, après le recensement effectué par les Nations unies. »

Pour Alger, cette initiative sahraouie marque un rappel du droit et de la légalité internationale face à une dérive politique préoccupante. Depuis plusieurs années, le Maroc bloque toute perspective de référendum, invoquant des difficultés techniques liées au fichier électoral.

À la place, Rabat promeut son plan d’autonomie, soutenu par Washington depuis la décision de Donald Trump, en décembre 2020, de reconnaître la souveraineté marocaine en échange de la normalisation diplomatique avec l’entité sioniste. Cette reconnaissance a ouvert une brèche que Paris s’est empressée d’emprunter.

En juillet dernier, Emmanuel Macron a franchi le pas en saluant la « marocanité du Sahara », une déclaration interprétée à Alger comme un reniement du principe d’autodétermination. Dans le même temps, des voix américaines, à l’image de Steve Witkoff, conseiller proche de Trump, tentent de présenter le dossier sahraoui comme un simple différend entre l’Algérie et le Maroc.

Dans un entretien à CBS, il a même évoqué un « accord de paix d’ici 60 jours » entre les deux pays, une rhétorique jugée trompeuse par nombre de diplomates. Mercredi, l’ancien ministre, Abdelaziz Rahabi a dénoncé « l’utilisation de l’ONU comme instrument de validation des positions occidentales », accusant Washington, Londres et Paris d’orchestrer « une opération d’influence » destinée à légitimer l’occupation marocaine et à transférer la souveraineté sahraouie à la puissance occupante.

Une stratégie, selon lui, « typiquement néocoloniale ». Pour Rahabi et d’autres observateurs, ces initiatives visent à présenter le conflit comme une rivalité régionale plutôt qu’une question de décolonisation. Une approche qui occulte la réalité du terrain, la République arabe sahraouie démocratique, proclamée en 1976, dispose d’un territoire, d’un peuple et d’une reconnaissance internationale partielle.

La diplomatie algérienne, fidèle à sa ligne de principe, a déjà fait savoir qu’elle ne soutiendrait aucun texte entérinant la souveraineté marocaine. À New York, ses représentants plaident pour un retour au cadre initial, celui d’un référendum libre et équitable sous l’égide de l’ONU. Au sein même des Nations unies, certains diplomates s’inquiètent du glissement progressif du débat.

Les discussions préparatoires du Conseil de sécurité laissent entrevoir une volonté de restreindre le débat au seul plan marocain. Une orientation que l’Algérie qualifie de « recul du principe de neutralité onusienne ». Pour le président sahraoui Ibrahim Ghali, la paix ne peut être imposée par les puissances, mais construite « sur la base de la légitimité et du consentement ».

Dans un message adressé aux membres du Conseil, il a réaffirmé la disponibilité du Polisario à « partager le coût du compromis », mais sans jamais renoncer au droit du peuple sahraoui à décider de son avenir.

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L'express quotidien du 26/10//2025

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