La France semble vouloir tourner la page des tensions avec l’Algérie. Devant les députés, le Premier ministre Sébastien Lecornu a opté pour l’apaisement et la coopération, signe d’un possible retour à une diplomatie de dialogue après plusieurs mois de crispations.
Après plusieurs mois de crispations, la France semble vouloir rétablir un dialogue apaisé avec l’Algérie. Mardi 4 novembre, devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre français Sébastien Lecornu a affirmé que son gouvernement n’envisageait pas la suppression de l’accord migratoire signé en 1968 entre Alger et Paris, mais sa « modernisation » à travers de nouvelles négociations.
Une déclaration perçue comme un signal clair d’apaisement, au moment où les deux pays cherchent à tourner la page des tensions récentes. Répondant à une question de Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement national, Lecornu a précisé que « le gouvernement français ne souhaite pas l’abrogation mais la mise à jour de l’accord », ajoutant que la relance des travaux du Comité intergouvernemental de haut niveau (qui s’était réuni pour la dernière fois en 2022) constituait l’étape prochaine.
Ce cadre de concertation bilatéral avait alors reconnu la nécessité d’adapter le texte de 1968 aux réalités contemporaines. Le Premier ministre a également souligné que ce dossier dépassait la seule question migratoire : « Il s’agit d’une réflexion globale incluant la lutte contre le terrorisme, la sécurité maritime, la stabilité au Sahel et la coopération économique ».
Un discours qui marque un changement de ton notable, après une période où les différends politiques et médiatiques avaient dominé la relation bilatérale. « La France respecte la souveraineté de l’Algérie et de son gouvernement », a insisté Lecornu, appelant à un « dialogue sérieux et calme » fondé sur les intérêts réciproques.
Le chef du gouvernement français a mis en garde contre toute instrumentalisation des désaccords à des fins de politique intérieure, un message implicite à l’adresse des responsables politiques français prompts à exploiter le dossier algérien dans le débat national.
Lecornu a aussi évoqué les cas de l’écrivain Boualem Sansal et du journaliste Christophe Gleizes, détenus en Algérie, en précisant que leur suivi se faisait « dans le cadre du respect de la souveraineté du droit ».
Il a assuré que Paris restait « mobilisé » pour poursuivre les discussions sur ces sujets sensibles, tout en évitant d’adopter une posture de confrontation. Ces propos interviennent dans un contexte où plusieurs signaux laissent entrevoir une détente progressive.
La récente nomination de Laurent Nuñez au ministère de l’Intérieur, en remplacement de Bruno Retailleau, marque un infléchissement dans la ligne suivie par Paris.
Connu pour ses positions plus pragmatiques, Nuñez a déclaré au « Parisien » être prêt à « reprendre le dialogue avec l’Algérie sur de nouvelles bases », précisant avoir reçu une invitation officielle de son homologue algérien.
Les relations entre Alger et Paris s’étaient fortement dégradées depuis l’été 2024, après la décision française de reconnaître le plan d’autonomie marocain au Sahara occidental, perçue à Alger comme une remise en cause de la légalité internationale.
Les « tensions » s’étaient accentuées avec l’arrestation de Boualem Sansal en Algérie, la détention d’influenceurs algériens en France début 2025, et la brève interpellation d’un agent consulaire algérien à Paris.
La déclaration de Sébastien Lecornu marque ainsi un tournant prudent, mais significatif, dans l’attitude de la France. À Alger, on observe avec circonspection cette inflexion, perçue comme la reconnaissance implicite d’une réalité incontournable, aucun partenariat durable ne pouvant être envisagé sans le respect de la souveraineté algérienne et de la mémoire historique entre les deux pays.

