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Hamid Lourari, alias Kaci Tizi-Ouzou, pionnier de la satire populaire

Comédien et fantaisiste parmi les plus marquants de l’Algérie indépendante, Hamid Lourari s’est éteint le 19 novembre 2014 à Alger, à l’âge de 83 ans. Dès les années 1960, il s’impose comme l’un des visages familiers de la radio et de la télévision, notamment au sein du duo « Kaci et Krikeche ». Avec plus de six mille émissions et une carrière de plus d’un demi-siècle, il a contribué à façonner un humour populaire aujourd’hui inscrit dans la mémoire culturelle nationale.

Il fut, durant plusieurs décennies, l’un des visages familiers de la scène humoristique algérienne. Hamid Lourari, plus connu du grand public sous le nom de Kaci Tizi-Ouzou, s’est éteint le 19 novembre 2014 à Alger, à l’âge de 83 ans, des suites d’une longue maladie. L’annonce de son décès, survenu en fin d’après-midi à l’hôpital de Beni Messous après plusieurs jours d’hospitalisation consécutifs à une fracture du fémur, a réveillé le souvenir d’un artiste qui avait façonné, avec constance, un pan entier de la culture populaire algérienne.

Né en 1931 à Béni Ourtilane, dans la wilaya de Sétif, Hamid Lourari quitte très tôt son village natal pour Alger. Comme beaucoup d’Algériens des années 1940, il y affronte la dureté du quotidien. Avant de se tourner vers la scène, il enchaîne les petits métiers (cireur de chaussures, manœuvre) et monte même sur un ring de boxe pour gagner quelques pièces. Il traverse la capitale d’un quartier à l’autre, découvrant un milieu artistique foisonnant qui le rattrapera bientôt.

Sa trajectoire bascule lorsqu’il rejoint la troupe Redha Bey, dirigée alors par Mohamed Mahboub Stambouli, aux côtés de Badreddine Bouroubi. C’est là qu’il s’initie réellement au jeu, qu’il observe, écoute et apprivoise les codes d’un théâtre encore balbutiant mais déjà nourri d’une vitalité populaire. Plus tard, il intègre la Radio nationale, chaîne II, où il trouve un terrain d’expression privilégié. Sa première émission, « Nuba izehwaniyen », lancée avec Mohamed Hilmi, inaugure une carrière radiophonique exceptionnelle : plus de 6 000 émissions, ponctuées d’esquisses satiriques qui accompagnent l’éveil du pays indépendant.

Le personnage de Kaci Tizi-Ouzou naît de cette effervescence. En 1968, Lourari rencontre Ahmed Kadri, alias Krikeche. Ensemble, ils forment un duo qui marquera durablement la télévision et le théâtre algériens. Le tandem s’inscrit dans une filiation internationale assumée (celle de Laurel et Hardy, d’Ismail Yassine ou d’Abdessalem Alnaboulssi) tout en imposant une tonalité propre, enracinée dans les réalités locales. Leur complicité, tout en finesse, devient l’un des ressorts comiques les plus attendus du public des années 1960 et 1970. Le duo s’agrandit parfois, Kaci joue aussi avec Hassan El Hassani, avec Djafer Beck ou Sid Ali Fernandel, figures majeures de la fantaisie algérienne d’après l’indépendance.

Acteur infatigable, habitué des tournées, Kaci Tizi-Ouzou se produit dans toutes les villes du pays. Il apparaît également au cinéma, notamment dans La nuit a peur du soleil de Mustapha Badie. Son goût pour l’écriture le conduit en 2006 à publier ses mémoires, Ammi Kaci ou les mémoires de Kaci Tizi-Ouzou (Éditions ANEP), où il relate son arrivée à Alger, ses débuts hésitants, ses rencontres avec les artistes qui ont façonné sa vie et l’évolution du paysage culturel algérien.

Installé à Bouzareah, quartier qui abrita nombre de créateurs (Mohamed Iguerbouchene, Boudjemaâ El Ankis, Amar Laâchab, Hassan Hassani, Chaou, ou encore les cinéastes Mohamed Badri et Nadia Cherabi), il fut de ces infatigables artisans de la scène qui ont su maintenir vivante une tradition de fantaisie populaire. Malgré une carrière longue de plus d’un demi-siècle, il connut néanmoins les affres de la marginalisation. Ses proches rapportent qu’il a vécu ses dernières années avec le sentiment d’être relégué à l’écart d’un univers artistique qu’il avait pourtant contribué à structurer.

Ce sentiment n’efface cependant rien de ce qu’il a laissé, une œuvre immense, faite de milliers d’heures de radio, d’archives sonores précieuses, d’esquisses satiriques qui ont accompagné plusieurs générations d’Algériens. Hamid Lourari incarnait cette veine comique où la dérision servait autant à divertir qu’à éclairer des réalités sociales. Son personnage, Kaci Tizi-Ouzou, demeure l’un des archétypes les plus marquants de cette période fondatrice.

À travers son parcours, c’est tout un chapitre de la mémoire culturelle nationale qui se raconte, les débuts d’un théâtre populaire, la montée en puissance de la radio, l’émergence d’un comique algérien moderne.

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L'express quotidien du 20/11//2025

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