Face aux défis croissants liés à la gestion de ses ressources en eau, l’Algérie a cessé de considérer le dessalement de l’eau de mer comme une solution d’appoint. Il est désormais au cœur d’une politique hydrique nationale structurée, pensée sur le long terme et assumée au plus haut niveau de l’État.
La signature, à Alger, de nouveaux contrats pour la réalisation de grandes usines de dessalement à Chlef, Mostaganem et Tlemcen illustre ce tournant stratégique.
Sous la supervision de Sonatrach, via l’Entreprise algérienne de dessalement de l’eau (EADE), ces projets confirment une volonté politique claire : sécuriser durablement l’approvisionnement en eau potable dans un contexte de stress hydrique aggravé par la sécheresse, le changement climatique et la pression démographique.
Chaque usine affichera une capacité de 300 000 mètres cubes par jour, un seuil qui place ces infrastructures parmi les plus importantes du continent. Ce choix s’inscrit dans la première tranche du deuxième programme national complémentaire décidé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui prévoit six nouvelles stations de grande capacité à l’horizon 2026.
L’objectif est ambitieux, faire passer la part de l’eau dessalée de 18 % aujourd’hui à 42 % à court terme, puis à 60 % d’ici 2030. Derrière les chiffres, une réalité s’impose, l’Algérie ne peut plus compter uniquement sur les barrages et les nappes phréatiques, surexploitées et vulnérables aux aléas climatiques.
Le dessalement devient ainsi un outil de souveraineté hydrique, au même titre que l’énergie l’est pour l’économie nationale. Mais au-delà des volumes produits, c’est la philosophie de l’action publique qui évolue.
Le recours massif à des entreprises nationales (ENGTP, SARPI, Cosider Canalisations) pour la réalisation de ces projets révèle une volonté de maîtrise industrielle et technologique.
Développer localement les membranes d’osmose inverse, intégrer les énergies renouvelables, réduire l’empreinte environnementale et valoriser les sous-produits du dessalement, notamment le sel, dessinent les contours d’un modèle plus autonome et plus durable.
Cette « stratégie » n’est toutefois pas exempte de fragilités. Le dessalement ne saurait être une solution miracle s’il n’est pas accompagné d’une réforme profonde des usages.
L’agriculture, premier consommateur d’eau, reste au cœur de l’équation. Sans irrigation raisonnée, sans adaptation des cultures et sans lutte contre le gaspillage, la pression sur la ressource demeurera à l’heure où l’or bleu devient l’un des marqueurs les plus implacables des inégalités et des vulnérabilités contemporaines.
L’Algérie choisit l’anticipation plutôt que la gestion de crise. Elle reconnaît que l’eau, au même titre que l’énergie, conditionne désormais la stabilité sociale, le développement économique et la dignité des populations.

