À l’heure où les écrans monopolisent l’attention et où les liens familiaux se distendent, une jeune entrepreneure algérienne apporte une réponse simple mais puissante. Elle s’appelle Zahra Ami Moussa. Elle est communicante, entrepreneure, et comme elle le dit elle-même, une « rêveuse lucide ». Elle vient de créer un jeu de société qui ne ressemble à aucun autre : « Qui suis-je ? », un jeu de cartes éducatif, signé El Ghechache, entièrement pensé et conçu en Algérie.
Derrière cet objet aux allures modestes se cache une idée ambitieuse : recréer du lien entre les générations, réveiller la mémoire collective et remettre la culture algérienne au centre de la vie quotidienne. Ce n’est pas seulement un jeu pour se divertir, mais un outil de transmission, un geste culturel, un acte pédagogique.
Le principe du jeu est simple. Chaque carte propose une mini-biographie au recto. L’objectif est alors de deviner la personnalité cachée. Une mécanique accessible à tous, mais qui ouvre sur un univers riche. Littérature, politique, sport, arts, divertissement, quatre grandes catégories permettent de couvrir un large spectre de la culture et de l’histoire. Le jeu rassemble au total 200 figures, dont 150 personnalités algériennes et 50 personnalités internationales soigneusement sélectionnées.
Parmi les noms algériens choisis, on retrouve aussi bien des grandes figures historiques comme Ibn Badis, Mohamed Dib, Assia Djebar, que des personnalités contemporaines comme Soolking ou Imène Khelif, boxeuse algérienne qui brille sur la scène internationale. Le jeu convoque également Frantz Fanon, penseur anticolonialiste majeur, dont l’œuvre continue d’inspirer au-delà des frontières.
Pour Zahra Ami Moussa, ce jeu n’est pas une simple distraction : « un jeu pour apprendre, certes, mais aussi pour se reconnaître, se réapproprier, s’émerveiller ». Accessible dès 14 ans, il a été pensé pour traverser les âges. Et ça fonctionne : « Je suis honorée quand des familles m’écrivent pour me dire qu’ils y jouent avec leurs grands-parents ».
C’est là que réside la force du jeu. Il devient un moment de partage, un pont entre les générations, un rituel autour de la mémoire. Il se joue à la maison, en vacances, dans un jardin ou un salon, « à l’ombre d’un figuier, sur une nappe de pique-nique ou dans la fraîcheur d’un salon familial ». Pas besoin d’écran, ni de connexion internet. Uniquement des mots, des regards, des souvenirs.
Le jeu est aussi une réponse aux défis actuels, fracture générationnelle, oubli des références communes, uniformisation culturelle. Il propose une autre manière de faire vivre la culture. Comme le dit la créatrice : « À sa manière, « Qui suis-je ? » est un acte de résistance culturelle. Contre l’amnésie, contre l’homogénéisation des modèles, contre la fracture numérique et générationnelle ».
Chaque carte raconte un pan de l’histoire algérienne. Chaque partie devient une occasion d’échanger, de questionner, de se souvenir. Derrière la simplicité du jeu, il y a plusieurs années de travail, de réflexion, de terrain. Zahra Ami Moussa explique : « C’est venu comme une inspiration soudaine », mais elle reconnaît aussi que ce projet est le fruit de longues années d’expérience dans le commerce, l’écoute et l’observation du public.
Aujourd’hui, « chaque boîte vendue est une petite victoire contre l’indifférence culturelle », affirme-t-elle. Le jeu est disponible en ligne et dans plusieurs points de vente physiques. Il connaît déjà un bel accueil, que ce soit en Algérie ou dans la diaspora.
De Zahra Ami Moussa: « Qui suis-je ? », un jeu de société pensé et conçu en Algérie
