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Goïta face à la fronde de ses propres généraux

Le président de la transition Assimi Goïta est confronté à une grave crise interne avec des arrestations massives, des soupçons de coup d’État avorté et une rupture avec son ministre de la Défense Sadio Camara. La fracture au sein du Conseil militaire alimente les craintes d’un nouveau basculement politique à Bamako.

Le régime du général Assimi Goïta traverse une phase critique, après que la crise et le rejet, initialement portés par l’opposition et la rue, se sont déplacés vers le Conseil militaire, avec un fossé grandissant entre lui et des figures clés du Conseil, au premier rang desquelles le ministre de la Défense, le général Sadio Camara.

Ancien bras droit de Goïta, ce dernier est désormais perçu comme un opposant au président de la transition et accusé d’avoir orchestré un « coup d’État » militaire avorté, ayant conduit à l’arrestation de dizaines de militaires de différents grades, pour la plupart issus de la Garde nationale à laquelle appartient Camara.

L’agence Reuters a rapporté, citant une source sécuritaire et une autre gouvernementale au Mali, que les autorités de transition ont arrêté entre 36 et 40 militaires ces derniers jours, accusés de « tentative de déstabilisation ». Selon les mêmes sources, les arrestations ont visé plusieurs hauts responsables, dont le général Abbas Dembélé, ancien gouverneur de la région de Mopti, au centre du pays.

Lundi, le président de la transition, le général Assimi Goïta, a présidé au palais présidentiel la cérémonie mensuelle de levée du drapeau national, en l’absence remarquée de plusieurs chefs militaires, dont le ministre de la Défense, le général Sadio Camara.

Parmi les personnes arrêtées figurent le général Abbas Dembélé, ex-commandant dans le nord du pays avant sa nomination à Mopti, et le général de brigade Niéma Sagara, membre de l’état-major de l’armée de l’air, corps auquel appartient également le général Ismaël Wagué, actuel ministre de la Réconciliation nationale.

Ces arrestations sont perçues comme le début d’une guerre non déclarée entre Goïta et son ministre de la Défense, renforçant les soupçons de tensions internes au sein du Conseil militaire au pouvoir, notamment sur les questions de coopération et de partenariats internationaux. Certaines figures plaident en effet pour un réengagement sécuritaire avec des pays occidentaux tels que les États-Unis.

La perte de confiance entre les dirigeants du Conseil militaire et l’armée malienne a atteint un tel niveau que Goïta a annoncé le recrutement de 124 000 soldats, une initiative que certains observateurs interprètent comme une tentative de reconstruire une nouvelle armée, estimant que le président a perdu le contrôle sur l’ensemble des forces maliennes.

Les analystes lient également cette vague d’arrestations à la crainte grandissante de Goïta, qui voit s’élargir autour de lui le cercle du rejet, y compris parmi des figures de premier plan au sein du Conseil et de l’armée, jouissant d’un poids politique et d’une forte popularité dans les rangs militaires et auprès de la rue malienne.

Des officiers supérieurs n’ont pas hésité à critiquer la gestion du dossier sécuritaire. Niéma Sagara, arrêté le 7 août, aurait ainsi payé le prix de ses déclarations sur les équipements militaires saisis par des groupes armés.

Il n’est pas le seul, l’ancien Premier ministre Moussa Mara a été placé en détention préventive fin juillet pour un tweet exprimant sa solidarité avec des opposants emprisonnés, après leur avoir rendu visite. Il est accusé de « saper la crédibilité de l’État », « s’opposer à l’autorité légitime » et « inciter au désordre public ».

Dans son message, Mara écrivait : « Tant qu’il fera nuit, le soleil finira par se lever », ajoutant : « Nous lutterons par tous les moyens pour que cela arrive, et le plus tôt possible ». L’ancien Premier ministre Choguel Maïga est également dans le viseur de la justice, poursuivi pour des affaires financières survenues durant son mandat.

Connu pour ses critiques acerbes contre Goïta, Maïga l’a accusé d’exploiter la question sécuritaire pour détourner l’attention des difficultés économiques. Ces développements dessinent un tableau sombre pour le Mali, dirigé depuis cinq ans par un Assimi Goïta qui n’a tenu aucune des promesses faites à la population.

Sur le plan sécuritaire, la situation se détériore avec l’extension des menaces et l’aggravation du conflit dans le nord face aux mouvements azawadiens, conséquence de son choix d’une approche strictement militaire pour résoudre une crise politique.

Sur le plan économique, la dégradation s’accélère, le pays s’enfonce dans une dérive autoritaire avec la dissolution des partis et l’emprisonnement des leaders de l’opposition.

Cette conjoncture fracture encore davantage le Conseil militaire et alimente la colère populaire, laissant planer pour Goïta la menace d’un renversement, que ce soit par un coup d’État militaire ou une insurrection de rue.

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L'express quotidien du 21/08//2025

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