Il y a quelques indices qui laissent entrevoir une prochaine mais lente reprise graduelle des relations entre Alger et Paris, fracassées depuis l’arrivée à Beauvau de l’ex-ministre de l’Intérieur et actuel leader du parti Les Républicains, Bruno Retailleau, qui a fait de la question migratoire son cheval de bataille.
Dans la foulée, il a presque détruit une relation algéro-française fondée sur le respect mutuel et, surtout, l’application des accords de 1968 en matière de circulation des personnes. La position de la France, au mois de juillet dernier, lorsqu’elle avait annoncé soutenir le plan d’autonomie marocain au Sahara occidental, a mis K.O. debout cette relation qui évoluait depuis des décennies au rythme des humeurs maussades de Paris envers l’Algérie.
Mais un revirement de la position de la France vis-à-vis d’Alger commence à se dessiner et laisse entrevoir un prochain rapprochement et la fin d’une période diplomatique calamiteuse lorsque le chef des Républicains trônait à la place Beauvau.
Laurent Nunez, arrivé aux affaires avec l’avènement du second gouvernement Lecornu, est moins colérique, et plus enclin à replacer les relations algéro-françaises dans leur vrai contexte. Adepte d’un dialogue franc avec Alger sur la question migratoire et d’autres sujets communs, le successeur de Retailleau reprend en fait la main dans certaines niches politiques squattées par la droite et l’extrême droite.
Il a ainsi mis en garde le 1er novembre dernier contre la méthode du ‘’bras de fer’’ avec Alger, faisant remarquer que ‘’ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent.
Ça ne marche pas, dans aucun domaine’’. « Preuve » de l’inefficacité de cette méthode, « le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger », a-t-il ajouté. Pourtant, depuis son arrivée à la place Beauvau, il a souligné à plusieurs reprises son souhait de renouer « le dialogue » avec Alger, mettant en avant les besoins de coopération sécuritaire, notamment dans la lutte antiterroriste au Sahel.
Même son de cloche à Matignon où le Premier ministre Sebastien Lecornu plaide lui également pour l’apaisement et le retour de relations normales, sinon apaisées avec Alger, faisant un magistral bras d’honneur à son prédécesseur François Bayrou et tous les Retailleau cachés dans les pans de la république française. Pour Lecornu, qui souhaite reprendre langue avec Alger, il faut certes revoir les accords de 1968, leur renégociation, mais pas leur abrogation, comme le réclame la chef de file de l’extrême droite française.
Et il l’officialise en affirmant que ‘’il faut désormais que ce début de renégociation démarre le plus vite possible’’. Avec cette déclaration, le Premier ministre français annonce officiellement le souhait de son gouvernement de reprendre langue avec Alger, au moins sur plusieurs dossiers chauds, et, dans la foulée, relancer progressivement des relations bilatérales jusque-là massacrées par tant la droite que les extrémistes et fils de pieds-noirs en France, les nostalgiques de ‘’l’Algérie de papa’’.
Car l’Algérie reste un partenaire incontournable dans nombre de questions sécuritaires en Afrique, et un passage obligé pour Paris s’il veut reprendre pied dans certains pays du Sahel comme l’affirme Lecornu en évoquant ‘’la question de la lutte contre le terrorisme, et la coopération en matière de sécurité, la question de la pression terroriste qui monte au Sahel, celle de sécurité maritime et puis les questions économiques’’.
La France officielle revient donc sur les positions outrecuidantes et blessantes du gouvernement Bayrou, et Lecornu veut apparemment tout effacer et calmer les choses en parlant du ‘’respect de la souveraineté de l’Algérie’’. Mieux, il a promis de ne jamais ‘’faire de la question de l’Algérie un sujet de politique intérieure en France’’.
Finie l’ère glaciaire et belliqueuse du gouvernement Bayrou et son roquet de ministre de l’Intérieur ? A l’occasion de la commémoration du déclenchement de la glorieuse lutte de libération nationale, le 1er Novembre 1954, le président français Emmanuel Macron avait adressé au chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune un message de félicitations.’’
A l’occasion de la commémoration du 1er Novembre, je souhaite vous adresser, ainsi qu’à tout le peuple algérien, mes chaleureuses félicitations et mes vœux les plus sincères’’, a écrit le chef de l’État français.
Ce geste politique tout autant que diplomatique, anodin mais protocolaire dans les relations internationales, est en fait lourd de sens quand il s’agit de l’Algérie et de la France. Le président français semble en effet ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre les deux Etats, et mettre en place les prémices d’un prochain rapprochement avec Alger.

