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Bios Diallo, journaliste et écrivain mauritanien: « L’Afrique n’est pas pauvre, elle est juste mal gérée »

Bios Diallo, journaliste et écrivain mauritanien: « L’Afrique n’est pas pauvre, elle est juste mal gérée »

Le mauritanien Bios Diallo, est journaliste, écrivain et dirige à Nouakchott depuis 2010 les «Rencontres littéraires Traversées Mauritanides », qui accueillent chaque année des écrivains du monde entier.  Né à Sélibaby, est cet auteur à grand talent a publié plusieurs recueils dont Les Pleurs de l’arc-en-ciel (L’Harmattan 2002), Les Os de la Terre (L’Harmattan 2009), un roman Une Vie de Sébile (L’Harmattan 2010) et son dernier recueil La Saigne (Le Manteau et la Lyre Obsidiane 2021).

Rencontré en marge d’une rencontre, abrité avant-hier, par l’espace esprit panaf, du 25e Salon International du Livre d’Alger (SILA), Bios Diallo évoque la littérature africaine, et se confie sur l’immigration des jeunes africains  ainsi que sur l’indépendance économique de ce continent. 

Tout d’abord, parlez-nous des «Rencontres littéraires Traversées Mauritanides » ?

J’ai lancé depuis 2010, ces rencontres littéraires, pour que chaque écrivain de la Mauritanie trouve un espace ou il peut aller et échanger. Car la Mauritanie du nord ne connaît pas celle du sur ou du centre. A travers cette initiative, je fais venir, chaque année, des écrivains des pays africains. Car il faut que l’Afrique se connaisse. Quand les écrivains africains se rencontrent, cela se passe en France ou en Europe. Nos gouvernements n’investissent pas suffisamment dans la culture. Nos livres coûtent trois fois plus cher, ils ne peuvent pas être vendus dans notre pays. 

La seule solution pour se rapprocher des uns et d’autres et le mouvement culturel.

A votre avis, comment se porte la littérature africaine ?

La littérature africaine commence à être de plus en plus vue, grâce à l’émergence de maisons d’éditions, un peu partout en Afrique. Il faut encourager davantage,  ces maisons d’éditions qui font de leurs mieux pour faire connaître cette dernière. Il faut aussi, encourager les rencontres littéraires, culturelles, les festivals, des salons du livre comme le SILA (Salon International du Livre d’Alger), et aussi des espaces d’échanges, où les écrivains pourraient s’exprimer et échanger.

Pour revenir à votre question, la littérature est entrain de sortir de l’ombre, car si on regarde l’année 2021-2022, bon nombre de prix, ont été emporté par des écrivains africains, à l’instar de Mohamed Mbougar Sarr, qui a décroché l’année dernière le prix Goncourt, la camerounaise Djaïli Amadou Amal, lauréate du Prix Goncourt des Lycéens 2020, et le prix Nobel de la littérature est revenu également au tanzanien Abdulrazak Gurnah. Tout cela montre que la littérature africaine se porte bien et essaye davantage d’être universelle. 

Qu’en est t il de la nouvelle génération d’écrivain ? 

La nouvelle génération est la. Elle essaye d’écrire et de réfléchir sur plusieurs points de sujet. Elle ne se cloisonne pas dans les anciennes thématiques, à savoir le colonialisme, la dictature ou bien les traditions. Mais elle s’ouvre au monde, et cela c’est tant mieux. 

Comment un écrivain africain peut-il percer selon Diallo?

L’écrivain africain ne peut pas percer, si les médias n’y travaillent pas, et si son livre n’est pas lu, ou ne trouve pas d’espace ou il peut défendre son livre. C’est pour cela que nos écrivains partent en Europe ou ailleurs pour trouver de la visibilité. Donc, pour qu’ils puissent percer, il faudrait qu’il y’est des conditions nécessaires. Pour cela, il faudrait, que nos ministères de la culture accompagnent et aident de plus en plus les jeunes, en leur donnant les espaces et les moyens.

Quels sont vos prochains projets ?

Je continue toujours mes projets littéraires, j’ai publié un recueil de poésie La saigne. La je travaille sur un autre projet, qui me tient beaucoup à cœur, qui est l’ouverture de ma propre maison d’édition en Mauritanie.

Justement, comment se porte l’édition en Mauritanie ?

Pour le moment, nous n’avons seulement que deux maisons d’édition, ce qui n’est pas suffisant. Beaucoup de gens veulent écrire et réfléchir. Donc, il faut y travailler à ce sujet. 

Dans la rencontre que vous avez animé, vous avez parlé des ponts essentiels entre les pays africains, que voulez vous dire par cela ?

Pour se rendre compte de ce qui se passe dans un pays africains, on cite un média français, chaque information est une idéologie du filtrage. Donc, un journaliste syrien ne peut pas prendre comme source, France 24 ou RFI, pour parler du Soudan par exemple, ou de ce qui se passe au Togo ou au Mali ou encore en Algérie.  Aujourd’hui, un journaliste africain peut avoir n’importe quelle information, car il dispose d’internet. Même si, il y’a un filtrage qu’il faut faire face au fakes news. Et tant que nous ne le ferons pas, nous n’arriverons pas à créer ces ponts essentiels entre les pays africains. 

Nous avons une part de responsabilité de ce qui se passe sur nos territoires. Sinon, nous resterons toujours dépendant des informations de l’autre, c’est-à-dire du commerce de l’autre. Et ce dernier, nous vendra que ce qu’il l’intéresse. A mon avis, les espaces comme les salons du livre ont un rôle capital à jouer.

Vous avez aussi évoqué, la problématique du vivre ensemble et l’indépendance du sud par rapport au nord …

Oui, il faudra que nous allions des états, des politiques qui puissent être à la hauteur, des attentes des populations. Car les populations sont très fraternelles entre elles. Elles n’ont pas de problème de langue ou du vivre ensemble, ils sont virtualité par les uns et les autres.

Ne pensez vous pas que le problème se pose au niveau des finances et de l’indépendance économique des pays africains ? 

Certes, mais cela n’est pas suffisant, parce qu’aujourd’hui, 60 ans ou 65 ans après les indépendances, on ne peut pas continuer à dire qu’on est pauvre. L’Afrique n’est pas pauvre, elle est juste mal gérée. On ne peut pas reprocher au nord de s’intéresser à nos ressources. L’Afrique est pillée par nous même. Nous pouvons exporter nos richesses et les exploiter en les exportant au nord. Un africain, quand il travaille en Europe il reste employé de cette dernière, mais quand un européen travaille en Afrique il devient un coopérant. 

Le pire dans l’industrie culturelle en Afrique, et pour développer le cinéma, la littérature ou autres, on doit passer par des subventions du nord. Et cela on ne peut pas le reprocher, c’est à nous et à nos responsables de savoir comment gérer nos ressources.

Vous avez également parlé des jeunes africains qui se tuent sous la voie de l’émigration. A votre avis, qu’est ce qu’il faut faire pour garder nos jeunes ?

De plus en plus d’africain se tuent en mer et des déserts,  c’est un grand problème. Pour garder les jeunes, il faut leur trouver du travail, et qu’ils puissent être heureux chez eux. Il faut qu’en sortant des universités ou des écoles qu’ils puissent trouver de quoi s’occuper. Nos jeunes ont choisi cette voie, car ils sont gagnés par le désespoir. On les entendait souvent dire qu’ils sont déjà morts, qu’ils restent dans leurs pays ou pas.

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