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Le royaume chérifien, otage d’une politique féodale

Sous le vernis des palaces et des grands projets touristiques, le Maroc croule sous une dette extérieure record, proche de son PIB, et peine à répondre aux besoins sociaux de sa population. Entre chômage élevé, précarité des jeunes et budgets sociaux comprimés par le service de la dette, le pays fait face à une crise économique et sociale profonde. Dans ce contexte, les appels à manifester de la Génération Z soulignent l’urgence de réformes et la frustration croissante d’une jeunesse en quête d’avenir.

Au Maroc, tout va de travers, et, surtout, il ne faut pas se fier au luxe et au clinquant des enseignes des grands hôtels, les palaces qui ornent la ville ocre (Marrakech) mais qui, en réalité, sont un véritable cache-misère dans un pays endetté jusqu’au cou. Organiser des événements internationaux, comme une coupe d’Afrique des nations ou la Coupe du Monde 2030, c’est bien, c’est excellent, encore faut-il que le pays croule sous la prospérité et que le curseur des situations sociale et économique soit dans la zone verte.

Or, ce n’est pas le cas, et le dernier rapport de la Banque mondiale sur le stock de la dette extérieure du Maroc, qui coïncide avec un appel de la GenZ à sortir dans les rues mercredi, n’est pas bon et ne plaide pas pour un apaisement des tensions dans un pays pratiquement aux mains de ses bailleurs de fonds.

Le pays, et c’est connu, est très endetté, et les chiffres de la Banque mondiale pour 2025 font frémir : sa dette extérieure équivaut pratiquement à son PIB et a atteint le sommet de presque 68 milliards de dollars en 2024, soit 45% du RNB (revenu national brut) du pays et 99% de ses exportations.

Et, en 2024, le service de la dette a représenté 13% des recettes d’exportations et 69% du RNB. Par les chiffres, et selon le rapport 2025 de la Banque mondiale, l’encours de la dette extérieure du Maroc s’est établi à 67,99 milliards de dollars en 2024, soit son deuxième niveau le plus élevé jamais enregistré.

Dans le détail, le stock de la dette extérieure à long terme du Makhzen s’élève à 57,20 milliards de dollars en 2024, dont 45,72 milliards garantis par le secteur public et 11,47 milliards de dette privée non garantie. Cette évolution s’inscrit dans une tendance de forte croissance depuis 2010 : la dette extérieure totale est passée de 27,34 milliards de dollars en 2010 à 66,01 milliards en 2020, puis 65,68 milliards en 2021, 64,97 milliards en 2022, avant d’atteindre son pic de 69,632 milliards en 2023.

Quant au service de la dette à long terme, il s’est alourdi progressivement, dépassant la barre des 5 milliards de dollars en 2020, dont plus de 4 milliards pour les remboursements du principal.

En 2024, le Maroc a remboursé 5,22 milliards de dollars en principal (dont 4,41 milliards pour le secteur public et 811 millions pour le secteur privé) et versé 1,79 milliard de dollars en intérêts (dont 1,65 milliard pour le secteur public et 139 millions pour le secteur privé).

Au total, cela représente un service de la dette à long terme record de 7,02 milliards de dollars en 2024. Un rythme infernal pour un pays qui cultive l’endettement ! En outre, Rabat a également une dette extérieure à court terme de 7,504 milliards de dollars en 2024, mais en baisse par rapport aux 10,160 milliards de 2023.

L’utilisation des crédits du Fonds monétaire international (FMI) et des allocations de droits de tirage spéciaux (DTS) s’élève à 3,285 milliards de dollars en 2024, en baisse par rapport à 2023. Dans cette frénésie à l’endettement, car le pays emprunte beaucoup pour financer des projets touristiques (palaces, marinas, golfs…) au détriment de l’amélioration des conditions sociales des Marocains, les dépenses d’armement ont également atteint des sommets, Rabat s’équipant pour s’assurer l’occupation illégitime du Sahara occidental, territoire non autonome, selon l’ONU.

Selon les dernières statistiques, Rabat a dépensé entre 2023 et 2024 près de 23 milliards de dollars en armements, dont des avions Mirage de dernière génération, s’appuyant sur Paris et Washington pour moderniser sa flotte aérienne. Entre 2019 et 2023, le Maroc a vu sa dette publique (extérieure, intérieure et garantie) passer de 78% à 91% du PIB, selon les données du ministère des Finances marocain.

Cette hausse est due au recours massif à l’emprunt pour faire face à la crise sanitaire et économique dans un contexte de hausse des taux d’intérêt sur les marchés financiers internationaux. Mais cela équivaut également à un endettement qui a généré un service de la dette qui est passé de 13% du PIB en 2019 à 19% du PIB en 2023, et plus en 2025.

Et cela réduit drastiquement les budgets sociaux, car le service de la dette du Maroc est égal à plus de 9 fois le budget de la santé publique en 2023.

Dès lors, on comprend toute la difficulté du Makhzen à offrir des services sociaux dignes, et, surtout, à satisfaire les revendications des jeunes du mouvement GenZ 212, qui maintiennent leurs revendications : réformes des systèmes de santé et de l’éducation, la fin de la corruption.

Mais le stock de sa dette extérieure, ainsi que le service de la dette sont un obstacle infranchissable, l’Everest pour un pays comme le Maroc, qui a toujours vécu endetté, depuis la fin du protectorat français en 1956. Ce qui a d’ailleurs nourri les manifestations populaires générales de 1965, 1980, 1981, 1985, 1990, durement réprimées avec des centaines de morts et de disparus.

C’est cela le Maroc, une face BCBG, un pays offert aux puissances capitalistes, et un autre qui croule sous la misère, avec un SNMG moyen de moins de 2 000 dirhams (200 euros) dans la fonction publique. Et puis il y a la bombe du chômage évalué à près de 13% de la population et à 38% chez les jeunes.

Dans la création d’emplois, le Maroc fait face à des obstacles et à des coûts élevés liés à l’embauche dans le secteur formel, selon la BM, ce qui favorise une forte prévalence du travail informel dans un pays où le manque d’opportunités d’emploi pousse les jeunes à tenter l’aventure de l’émigration clandestine, avec tous les dangers que cela représente pour eux.

Officiellement, le taux de chômage au Maroc est passé à 13,1 % au 3e trimestre 2025 contre 13,6 % à la même période un an plus tôt.

Chômage en hausse, manque de perspectives d’avenir pour les jeunes, stress social, répression des manifestations font que le pays est devenu un chaudron qui sera, demain mercredi, encore sous les feux de l’actualité internationale avec ce nouvel appel des jeunes de la GenZ à sortir manifester contre les conditions de vie déplorables dans leur pays.

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L'express quotidien du 11/12//2025

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