Lors de l’ouverture de la 12ᵉ édition de la Conférence de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique le « Processus d’Oran », organisée lundi au Centre international des conférences Abdelatif-Rahal à Alger, le ministre des affaires étrangères, Ahmed Attaf, a dressé un tableau sombre de l’état du monde et du poids croissant des crises sur le continent africain.
Dès son intervention liminaire, le chef de la diplomatie algérienne a situé le continent dans un environnement global qu’il juge « ni ordinaire ni habituel », mais marqué par « une crise profonde, des bouleversements majeurs et une extrême sensibilité ».
Selon lui, ces transformations contribuent à fragiliser encore davantage une Afrique déjà confrontée à de multiples déstabilisations, au moment où l’attention de la communauté internationale « s’estompe dangereusement » concernant les dossiers de paix et de sécurité africains.
Évoquant successivement plusieurs conflits majeurs, Ahmed Attaf a pointé la persistance de crises devenues, selon ses termes, « invisibles » dans les priorités diplomatiques mondiales. Le Soudan, d’abord, où la guerre qui oppose les Forces armées soudanaises aux Forces de soutien rapide s’apprête à entrer dans sa troisième année.
Un conflit qui a généré, rappelle-t-il, « la pire crise humanitaire au monde », sans avancée politique notable. La Libye, ensuite, demeure selon lui l’exemple d’un conflit enlisé depuis quatorze ans, désormais « oublié aux niveaux continental et international ».
Le ministre déplore un statu quo qui s’impose faute d’efforts concertés, aggravé par le jeu des acteurs locaux et par des ingérences étrangères persistantes.
Le dossier du Sahara occidental n’offre pas davantage de signes de progrès. Attaf souligne que la dernière colonie du continent attend toujours l’application du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, inscrit depuis 62 ans sur la liste onusienne des territoires à décoloniser. Dans la bande sahélo-saharienne, enfin, il constate une dégradation simultanée des situations sécuritaire, politique et économique, désormais « au-delà des seuils d’alerte ».
Ni les coups d’État successifs ni l’avancée du terrorisme n’ont donné lieu, selon lui, à des réponses à la hauteur des menaces. Sans se limiter à la critique du désengagement international, le ministre a invité les acteurs africains à s’interroger sur leurs propres responsabilités.
Il estime que l’affaiblissement du rôle diplomatique continental et la faible implication de certains États dans la gestion des crises ont contribué à marginaliser la voix africaine dans les enceintes multilatérales. Ce recul a, selon lui, laissé un espace accru aux interventions extérieures, de plus en plus nombreuses et structurantes.
Pour Ahmed Attaf, le moment impose de renouer avec une diplomatie africaine active, inspirée des expériences qui avaient par le passé permis à l’Union africaine et aux organisations régionales de peser sur la résolution des conflits.
Il appelle ainsi à un « retour sur les terrains de crise », au maintien de canaux de dialogue directs avec toutes les parties concernées, et à la formulation d’initiatives de médiation capables d’éviter l’escalade des affrontements. Ahmed Attaf a rappelé que la réponse aux défis actuels relève d’« une responsabilité collective », engageant à la fois les États membres de l’Union africaine, les organisations sous-régionales et l’ensemble des institutions impliquées dans l’architecture de paix et de sécurité du continent.

