Les dossiers s’entassent sur les bureaux des ministres ; il s’y trouve de tout, et de quoi faire redémarrer la lourde machine de la production. Pourtant, rien n’y fait, ministres et hauts responsables de l’administration sont « indéboulonnables ». Aucun ne se décide à signer quoi que ce fût. Chacun tente de faire signer une autre partie que lui. On se renvoie la balle, et au final, les choses trainent, tergiversent, atermoient, sans que l’Algérie ne puisse profiter de ce qui pouvait faire son bien-être.
Quand on parle de bureaucratie, elle est aussi un peu ça : la peur de se compromettre, de se mouiller, de se retrouver « sur le carreau ». Les diverses fournées qui se sont trouvées en prison pour avoir donner le cachet de la légalité à un acte de corruption, dont les dizaines de hauts responsables de l’administration algérienne, ont été un cas d’école. Aujourd’hui, chaque responsable, aussi petit, fut-il un élu communal, hésite cent fois avant de toucher à la caisse, aux documents, et encore moins à l’argent. Dans une certaine mesure, c’est une chose excellente, et les Algériens ne pouvaient rêver mieux que voir un jour leurs responsables hésiter à toucher un seul dinar de la caisse indûment. Mais il y a aussi l’envers du décor, qui consiste à produire l’effet contraire, et paralyser totalement l’action des responsables.
Dans cette perspective que survient l’instruction de Président Tebboune à son gouvernement et qui affirme que « le climat des affaires dans notre pays enregistre ces derniers mois un recul de la cadence des investissements qui se traduit par l’hésitation des investisseurs à entamer des projets à cause des lenteurs dans le traitement des dossiers relatifs à l’investissement local». Le Chef de l’Etat explique que «la peur de poursuites judiciaires empêche les responsables de signer les documents nécessaires au démarrage des projets », ajoutant que « de nombreux projets sont gelés, d’autres non exploités malgré leur finalisation, et ce à cause de plusieurs facteurs liés notamment aux procédures de conformité et aux autorisations d’exploitation prévues par la réglementation ». Et de déplorer une situation qui «a grandement influé sur la relance de l’économie nationale et freiné son affranchissement progressif des hydrocarbures, ainsi que la création d’emplois pour les jeunes», a relevé le Président.
Cette instruction ferme adressée au ministre de l’intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, au ministre de la Justice, le commandant de la gendarmerie nationale, le directeur général de la sécurité intérieure et le directeur général de la sûreté nationale, enjoint à tous ces destinataires d’obtenir l’aval du ministre de l’intérieur avant d’engager une enquête ou des poursuites judiciaires contre les responsables locaux. En attendant l’adaptation du dispositif législatif y afférent, notamment la décriminalisation de l’acte de gestion, l’instruction présidentielle précise clairement qu’ «il est demandé au ministre de la Justice et aux responsables des corps de sécurité spécialisés de ne pas initier aucune enquête ou poursuites judiciaires contre des responsables locaux sans obtenir préalablement l’aval du ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire», est-il souligné.