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À qui la Russie livre-t-elle encore du gaz ?

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février dernier, la question de l’importation du gaz russe est omniprésente. Dépendante à 45% des exportations de la Russie en 2021, l’Union européenne cherche à s’émanciper du géant gazier Gazprom. Selon Thierry Bros, expert en énergie et professeur à Science Po Paris, interrogé par la radio télévision Suisse (RTS) « seuls deux milliards de mètres cubes de gaz russe sont actuellement acheminés mensuellement vers l’UE, 1 milliard par l’Ukraine et 1 milliard via le gazoduc TurkStream ». Contre 14 milliards de mètres cubes avant l’invasion en Ukraine. Cette diminution des livraisons n’est pas seulement du fait des politiques menées par l’UE, mais est aussi liée à des blocages de la part de Moscou, notamment en ce qui concerne l’arrêt des livraisons via les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Néanmoins, tous les membres de l’Union européenne ne sont pas sur la même ligne à l’approche de l’hiver. 

L’Italie reprend les importations

A commencer par l’Italie, dont les réserves ne sont pas tout à fait pleines (91%). Ce mercredi 5 octobre, Gazprom a annoncé y reprendre ses livraisons de gaz, après une interruption samedi à cause d’un problème technique sur un gazoduc passant par l’Autriche. Dans le détail, le blocage était dû « au fait que Gazprom aurait dû donner une garantie monétaire pour le passage du gaz au transporteur l’acheminant d’Autriche en Italie, qui n’existait pas auparavant, et Gazprom n’a pas payé », avait expliqué lundi le PDG d’Eni, Claudio Descalzi. Une difficulté loin d’être liée à des questions diplomatiques d’après l’entreprise.  

Mais si l’Italie est encore très dépendante de la Russie, le PDG d’Eni a précisé à plusieurs reprises l’objectif du groupe d’arriver, d’ici l’hiver 2024/2025, à remplacer 100% du gaz russe. Dès cet hiver, l’Italie devrait diminuer de moitié sa dépendance (21 milliards de mètres cubes sur un total de 29 milliards de mètres cubes importés par l’Italie), selon les annonces du groupe Eni qui s’est d’ores et déjà tourné vers l’Algérie, doublant ses importations.  

La Hongrie et la Serbie toujours alimentées par TurkStream

Si l’Italie cherche à se défaire de sa dépendance au gaz russe, d’autres pays de l’UE, dont la Hongrie a d’emblée annoncé ne pas pouvoir s’en passer. Le pays qui dépend à près 85% des exportations de gaz russe a d’ailleurs annoncé fin août avoir signé un accord avec Gazprom pour recevoir des livraisons supplémentaires. Bloqué par l’arrêt du fonctionnement de Nord Stream 1 et 2, le pays s’achemine désormais grâce au gazoduc TurkStream, qui passe par la mer Baltique. L’approvisionnement « est maintenant augmenté de 5,8 millions de mètres cubes », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjartodans le 31 août dernier. Le pacte est aussi prévu pour le mois d’octobre.  

La Hongrie est par ailleurs le seul pays de l’UE à s’être opposé à la signature d’un accord par les 27 visant à réduire volontairement la consommation de l’union en gaz russe. Une mesure qu’elle juge « injustifiable, inutile, inapplicable et nuisible ».  

Egalement à rebours de l’UE, la Serbie (candidate à l’adhésion depuis dix ans) a dès le mois de juin signé un accord avec Gazprom pour prolonger de trois ans ses provisions en gaz russe, ignorant les sanctions de la communauté européenne. Le pays a également obtenu des tarifs préférentiels. Selon le président serbe Aleksandar Vucic, son pays paye trois fois moins cher son gaz en provenance de Russie que le reste des importateurs.  

46 milliards de dollars dépensés par l’UE pour le gaz russe

L’Allemagne dépendait elle aussi grandement du gaz russe, à hauteur de 55%, avant la guerre en Ukraine. Mais l’arrêt des gazoducs Nord Stream 1 et 2 a poussé Berlin à s’ouvrir vers d’autres sources d’approvisionnement dont la construction de plateforme pour le gaz liquéfié. Cette année, cinq projets ont été lancés par le gouvernement à grands frais afin de compenser la fin des livraisons de Gazprom. Cela devrait lui permettre dès l’année prochaine de livrer près de 25 milliards de mètres cubes par an, soit la moitié de la capacité de Nord Stream. 

La France, dont les réserves de gaz sont remplies à 97,43% pour cet hiver selon la base de données Gas Infrastructure Europe, a elle aussi réussi à s’approvisionner différemment, se passant presque de la Russie. De 17%, l’hexagone est passé à 7% d’importation de gaz russe fin août, jusqu’à ce que le gazoduc Nord Stream ne cesse de fonctionner début septembre et coupe complètement cet approvisionnement.  

Outre la France, la Belgique (100%), le Portugal (100%) et la Pologne (98,03%) ont leurs réserves presque pleines. En moyenne, les pays de l’Union européenne ont rempli leur capacité de stockage à 89%, en anticipation d’un hiver inédit sans gaz russe.  

Il n’empêche, selon un rapport publié début septembre par le Centre pour la recherche sur l’énergie et l’air (Center for Research on Energy and Clean Air, CREA), les importations d’énergies fossiles russes dans l’Union européenne ont franchi la barre des 100 milliards de dollars depuis l’invasion de l’Ukraine, dont 46,6 milliards attribués à l’importation de gaz. Ce qui fait de l’UE le plus grand importateur d’énergies fossiles (85,1 milliards d’euros), suivie de la Chine (34,9 milliards d’euros) et de la Turquie (10,7 milliards d’euros).  

L’Express.fr

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