Le spécialiste en énergie solaire, Boukhalfa Yaici, relève qu’il y a actuellement une accélération du déploiement des énergies renouvelables avec le 24 juillet dernier l’ouverture publique des plis techniques concernant la réalisation de 15 centrales photovoltaïques d’une capacité globale de 2000 MW et le lancement en novembre prochain d’un nouvel appel d’offres pour la réalisation d’installations photovoltaïques produisant au total 2000 MW.
L’Express : Quelle est l’apréciation du cluster énergie solaire Green Energy Cluster Algeria sur le lancement et les résultats de l’ouverture des plis techniques inhérente à l’appel d’offres 2000 MW organisée fin juillet par Sonelgaz ?
Boukhalfa Yaici : Nous avons eu l’occasion de manifester la satisfaction du Cluster à la suite de l’ouverture des plis du 24 juillet 2023 à travers un communiqué que nous avons distribué aux médias locaux et internationaux. La satisfaction concerne primo la non‐prolongation d’un délai supplémentaire pour le dépôt des offres et secundo la participation d’entreprises de droit algérien comme soumissionnaires, ce qui dénote un intérêt pour un nouveau domaine permettant soit une diversification, soit un renforcement.
Les 15 lots ont été investis par ces entreprises locales à des niveaux différents et nous espérons que les résultats de la sélection technique puis la sélection par les offres financières puissent donner des gagnants qui vont permettre à ces entreprises d’entrer dans la phase de construction.
Comment sera financée la réalisation des centrales photovoltaïques d’une capacité globale de 2000 MW ?
C’est un point crucial pour la réussite du programme des EnR et de ces premières tranches. Il a été soulevé lors de l’audience accordée par le ministre de l’Energie et des Mines, M. Arkab, à notre Cluster à la fin du mois de Ramadhan passé. M. Arkab nous avait assuré que le financement de la tranche de 2000 MWc de février 2023 et de la tranche prévue au mois de novembre 2023 a été sécurisé par les pouvoirs publics.
Cela se fera via Sonelgaz qui a été chargée de réaliser ce programme. Les premiers rounds vont se faire sous la forme de projets EPC (Engineering Procurement & Construction) où la sonelgaz va acheter des centrales solaires PV en clé en main auprès des entreprises de réalisation qui vont aussi s’occuper de l’ingénierie et de l’approvisionnement. Sonelgaz Energies Renouvelables, la filiale dédiée aux énergies renouvelables, va exploiter et maintenir ces centrales durant au moins 25 ans.
Un deuxième appel d’offre de même ampleur sera lancé l’automne prochain par Sonelgaz. Comment voyez-vous la contribution des acteurs du cluster dans le succès de ces deux programmes ?
C’est un vrai challenge pour toutes les parties prenantes dans le sens où il y a une accélération dans le déploiement du programme des énergies renouvelables en Algérie. Le challenge va être du côté de Sonelgaz qui doit réunir toutes les ressources nécessaires pour que les lots puissent être réalisés dans les délais et avec la qualité requise.
Du côté des opérateurs, dont les acteurs du Cluster, il s’agit d’abord de réussir les premiers projets, ensuite de construire des stratégies destinées à gagner d’autres lots sur les prochains appels d’offres car il faut énormément de ressources. Le partenariat est un axe à privilégier. A cet effet, nous appelons les autres acteurs locaux à s’impliquer dans cette démarche et à commencer à travailler dès à présent pour se préparer au prochain appel d’offres qui doit intervenir en novembre 2023.
Le volet industriel est un volet important qui doit être sérieusement pris en charge puisque nous aurons besoin de plusieurs millions de panneaux photovoltaïques, de centaines de milliers de tonnes de cuivre, d’acier, d’aluminium, de millions de composants et de plusieurs milliers d’équipements électriques entre autres. Avec une capacité industrielle actuelle de 300 à 350 MWc en panneaux solaires, cela ne représente que 17.5% pour le programme de 2000 MWc.
Comme Sonelgaz annonce que l’année 2023 devrait voir le lancement de 6000 MWc, cela rend urgent une démarche qui doit faciliter l’implantation de nouvelles usines de production de panneaux solaires, de trackers, de transformateurs, etc. Combinées à une approche destinée à satisfaire le marché local et le marché régional, de nouvelles opportunités vont se créer et seront prêtes à être saisies par des investisseurs locaux et des investisseurs internationaux.
Nous aurons aussi besoin de 4000 à 5000 intervenants par 1000 MWc dont 22% doivent être des emplois qualifiés (entre ingénieurs et techniciens supérieurs), ce qui fait plusieurs milliers de postes d’emploi à pourvoir en 2024 et en 2025. Des programmes de formation doivent être préparés pour des formations complémentaires pour les ingénieurs issus des universités et des personnels techniques et non techniques.
La coordination de toutes les parties prenantes est nécessaire car le déploiement du programme des énergies renouvelables dans notre pays doit d’abord générer de la valeur ajoutée locale, de la création de nouvelles entreprises et des postes d’emploi. Notre cluster se mobilise pour être un facilitateur dans cette démarche.
Comment le cluster compte-t-il régler les problèmes des spécifications, de certifications et des normes des équipements produits localement exigées par le cahier des charges?
Concernant la certification et l’application des normes, elles sont opposables à tous les produits, qu’ils soient produits localement ou importés. Nous soutenons la création et la mise en place d’une infrastructure de qualité dédiée aux équipements solaires (panneaux solaires, onduleurs, structures, etc.) avec des laboratoires dédiés et des organismes d’évaluation de la conformité accrédités par ALGERAC.
Ce que nous constatons, c’est que depuis plusieurs années et en raison de l’absence d’un marché dans le solaire, cette infrastructure de qualité n’est pas en place. Avec la revivification du programme des énergies renouvelables dans notre pays, nous attendons que le laboratoire du Centre de Développement des Energies Renouvelables (CDER), qui sera dédié aux tests des panneaux photovoltaïques, puisse être opérationnel rapidement.
Pour le moment, nos fabricants sont obligés d’envoyer leurs panneaux solaires en Europe pour qu’ils puissent être certifiés. Cela coûte des devises et beaucoup de temps.
Concernant le cahier des charges du programme de 2000 MWc, nous avons constaté qu’il y a plusieurs manques et des restrictions qui empêchent que des offres techniques et financières très compétitives puissent être proposées. Notre Cluster entend travailler ces différents aspects et soumettre des propositions à la rentrée sociale.
Quel sera l’apport du partenariat étranger dans la réalisation des projets de centrales photovoltaïques prévus par les deux programmes?
L’apport du partenariat étranger va aider à aller vite dans la maîtrise de la réalisation de ce type de projets. N’oublions pas que la plus grande centrale solaire PV réalisée en Algérie ne fait que 60 MWc alors que la plus petite du programme de 2000 MWc fait 80 MWc. Nous aurons aussi des centrales à 220 MWc. Cela va avoir aussi pour effet la réduction des coûts.
Le partenariat devrait aussi déborder sur le volet industriel avec la production de nouveaux composants et de nouveaux systèmes qui étaient auparavant importés. Le volet des services va être investi et très rapidement.
Pensez-vous que l’écosystème de la filière est actuellement favorable à l’investissement dans la formation, dans la production de panneaux solaires et des principaux équipements d’une centrale photovoltaïque?
Aujourd’hui, on a en place quelques éléments qui donnent de la visibilité aux différentes parties prenantes en ce qui concerne le programme des énergies renouvelables en Algérie. Utiliser les EnR pour faire des économies en gaz naturel est une décision stratégique qui renseigne sur la place que vont prendre les EnR dans notre pays dans le moyen terme.
A long terme, le passage à l’hydrogène vert impliquera le recours aux énergies renouvelables. Charger Sonelgaz de déployer 15 000 MW d’ici 2035 est un bon moyen de verdir la production d’énergie électrique dans notre pays. Cela va permettre de réduire l’empreinte carbone du kWh produit en Algérie et de bénéficier aussi aux produits algériens exportés, principalement vers l’Union européenne.
L’existence d’un tissu industriel local est un autre élément qui permet de démarrer avec une base. L’existence à l’échelle nationale d’un grand nombre d’universités formant des ingénieurs dans plusieurs domaines, y compris le solaire, permet de répondre graduellement à la demande des entreprises en personnel formé et de qualité.
Enfin, les conditions d’investissement se sont améliorées et le financement du programme est assuré par l’Etat. Tous ces éléments montrent que le choix des EnR commence à devenir un choix sans regret pour notre pays, et cela est important à signaler.